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d’attention mit-on à la lui conserver religieusement, à la lui prolonger artificiellement avec des soins qu’on trouverait ridicules si on ne les trouvait pas touchants !

C’est avec un sentiment de douloureuse curiosité que nous nous laissons guider vers la maison ci-devant du docteur Blanche où Guy de Maupassant a vécu son an et demi de folie[1]. Nous allons visiter le parc où il s’est promené, tous les jours, d’une heure à trois, inconscient, au milieu de la verdure et des fleurs qu’il a foulés sans les apercevoir, dans le merveilleux épanouissement de la nature qui ne le touchait pas ; nous allons causer avec ceux qui avaient pour devoir de combattre son mal et qui, sans doute, durent plus d’une fois, en le contemplant, ressentir l’amer désespoir de leur impuissance.

Le parc se déploie en pente douce vers la Seine. C’est par la ville et non par les quais que nous arrivons. On nous indique un escalier minuscule où le couple le plus étroitement enlacé ne pourrait descendre sans heurter les murailles. En bas la rue n’est guère plus large, encaissée comme l’escalier entre de hautes murailles, mais pittoresque, imprévue, avec son pavage grossier, ses tournants brusques, sa couleur

  1. Monsieur Albert de Lapeyrouse a fait le pieux pèlerinage au lendemain de la mort de l’écrivain. J’emprunte à son récit plusieurs détails en y ajoutant tout ce que j’ai appris en refaisant la visite de M. de Lapeyrouse sept ans après lui.