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DE LA NATURE DES CHOSES

A circonscrit le champ de leur activité,
Puisque le pacte dure, à ce point respecté
Que l’oiseau dans leur ordre a gardé d’âge en âge
580Les couleurs que sa race assigne à son plumage,
Il faut qu’en tous les corps réside un élément
Inaltérable ; car, si quelque changement
A pu dénaturer l’essence originelle,
C’en est fait : quelle foi désormais nous révèle
Ce qui peut naître ou non, comment tout porte en soi
Le développement de sa force, et la loi
Par la nature assise au plus profond de l’être ?
Quel caprice obstiné ferait donc reparaître
Jusque chez les enfants de leurs derniers neveux
Les appétits, l’allure et les mœurs des aïeux ?

Dans l’atome suprême, insoluble, intangible,
La petitesse atteint les bornes du possible.

Rien n’existe au-dessous de l’atome, du point.
Indistinct par lui-même, il ne s’isole point
De l’être dont il est le fond et l’origine,
Du corps où par milliers la Nature combine
Des points semblables, forts de leur cohésion.
Seuls, ils ne pourraient pas engendrer l’action ;
Ils se rassemblent donc en faisceaux dont la force,
600Bravant tous les assauts, les sauve du divorce,
Groupés, non par hasard ou par leurs volontés,
Mais par l’intime loi de leurs affinités,
Particules sans nombre, unités sans parties,
De toute décroissance à jamais garanties,