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DE LA NATURE DES CHOSES

Tout change à tout moment. Comment sans germes stables
Expliquer le lien des générations ?
Or, ces germes distincts, partout nous les voyons.

Aucune forme donc ne monte à la lumière
Sans un concours certain de force et de matière ;
Chaque atome renferme une énergie en soi,
Un pouvoir immanent et fixe. Et c’est pourquoi
Toute chose ne peut naître de toute chose.

Si le sol tour à tour donne au printemps la rose,
Le pampre au tiède automne, à l’été le froment,
C’est qu’à l’heure marquée un fécond mouvement
Groupe les éléments de la plante future.
L’embryon apparaît, et la mère Nature
Met au jour sans péril ses tendres nourrissons.

Si tout naissait de rien, que pourraient les saisons
Contre l’explosion soudaine des naissances ?
Il n’existerait plus ni germes ni substances 200
Dont la loi du milieu pût régler le concours ;
Le hasard du temps même annulerait le cours.
Tout grandirait d’un coup ; et la première enfance,
Atteindrait brusquement la pleine adolescence ;
Et l’arbre jaillirait de toute sa hauteur.
Mais c’est ce qui n’est pas ; tout croît avec lenteur,
Fidèle en sa croissance aux vertus de son germe :
Il est donc évident que chaque être renferme
Ses principes, son fond propre et substantiel.
Et puis, sans le retour certain des eaux du ciel,