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DE LA NATURE DES CHOSES

Ils fendent les torrents ! L’univers est séduit ;
Le monde vivant court où ta loi le conduit.
Partout, au sein des mers, des fleuves, des montagnes,
20Sous les bois pleins d’oiseaux, dans les vertes campagnes,
À travers tous les cœurs secouant le désir,
Tu fécondes l’hymen par l’attrait du plaisir.

Toi qui présides seule à la nature entière,
Toi sans qui rien ne monte à la sainte lumière,
Puisque rien n’est aimable et charmant que par toi,
Sois mon guide en ces vers ; viens, et daigne avec moi
Pour notre Memmius dévoiler la Nature.
Tu l’aimes, je le sais ; ta faveur me l’assure ;
Envers lui tes bienfaits attestent ta bonté.
Donne donc à mes vers l’éternelle beauté !

Cependant, assoupis les fureurs de la guerre ;
Car toi seule aux mortels sur l’onde et sur la terre
Dispenses les douceurs du bienfaisant repos.
Oui, Mars, le dieu du glaive et des sanglants travaux,
Souvent se laisse aller dans tes bras ; la blessure
D’un éternel amour l’enchaîne à ta ceinture ;
Et, son col arrondi sur ton beau sein couché,
Tout béant de désir, l’œil au tien attaché,
Il repaît ses regards avides ; et son âme
40Qui monte, suspendue à tes lèvres, se pâme.
Que tes membres sacrés d’un long embrassement
Enveloppent, déesse, enivrent ton amant !
Que ta bouche, épanchant le baume des prières,
Nous obtienne la fin des luttes meurtrières.