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LIVRE SIXIÈME

Et tant de tourbillons, que les peuples hagards,
Sur les champs de Sicile attachant leurs regards,
Devant le ciel fumeux traversé d’étincelles,
Se demandent, le cœur plein d’angoisses mortelles,
Si la Nature va refondre l’univers ;
660Ces tempêtes de feu qui montent dans les airs
Ne sont pas, crois-le bien, par un prodige écloses.
Il faut ici porter sur le monde et les choses
Un coup d’œil vaste et clair, vraiment universel,
Songeant que le grand tout est infini, qu’un ciel
Est un fragment infime, un chiffre dans la somme,
Et quel atome enfin près de la terre est l’homme !
Prends cette vérité pour mesure et pour loi :
Combien d’étonnements s’enfuiront devant toi !

Qui de nous est surpris quand un homme s’agite
Dans le brûlant transport d’une fièvre subite,
Ou de tel autre mal endure les tourments ?
Le pied gonfle soudain ; de vifs élancements
Attaquent la gencive, entrent dans les yeux même ;
Le feu sacré s’allume et s’insinue, et sème
L’incendie, et partout rampe en brûlant la chair.
Qui s’en étonne ? Il est tant de germes dans l’air !
Et sur la terre assez d’exhalations funestes
Pour nourrir aisément les plus terribles pestes.
C’est ainsi, que l’espace où nous sommes plongés
680Fournit au globe assez d’éléments étrangers,
Pour que la terre au loin tremble, pour que la trombe
Rapide sur les champs et les mers vole et tombe,
Pour que l’Etna flamboie et que l’air prenne feu :