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LIVRE SIXIÈME

Fait aux mouvants sillons du vaste gouffre amer ?
Cela, fatalement : car la raison réside
Dans le sang, et le sang manque au principe humide.

Vois les vapeurs surgir des fleuves et du sol
Lui même, et, s’élevant d’un insensible vol,
Vagues exhalaisons des choses, les buées
Dans les cieux envahis se grouper en nuées.
Il s’en détache aussi de la zone de feu
Qui resserre le voile épars sur le ciel bleu,
Parmi ces éléments des brumes vagabondes,
Il en vient du dehors. Tu sais qu’entre les mondes
S’ouvre l’immensité des espaces ; tu sais
500Que, d’un cours éternel et rapide lancés,
Dans l’incommensurable errent des corps sans nombre.
Comment donc s’étonner qu’en un moment tant d’ombre
Enveloppe les monts, s’abatte sur les mers ?
Que des pays entiers soudain en soient couverts ?
Lorsque les soupiraux et les mailles du vide,
Pour l’entrée ou la fuite, à l’essence fluide
Ouvrent de toutes parts leurs multiples réseaux !

Conçois-tu maintenant l’origine des eaux
Que le nuage assemble et projette en sa course ?
Le nuage et la pluie ont une même source ;
Comme leurs éléments leurs destins sont jumeaux.
Si notre corps grandit avec ses sucs vitaux,
Les sueurs et le sang, avec l’eau qu’il recèle
Le nuage se forme, il grandit avec elle.