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DE LA NATURE DES CHOSES

Dédoublé par les sens ; l’explosion jumelle
Est la projection de la même étincelle.

La lueur bondit, vole et tremble ; c’est le vent
Qui sème au loin l’éclat de ce reflet mouvant.
Engouffré dans la nue, il la creuse, il s’y roule,
En voûte épaississant les masses qu’il refoule.
Sa rage, l’enflammant, le projette au dehors.
Ainsi le mouvement embrase tous les corps :
Tu vois le plomb rapide en tournoyant se fondre.
Sous ce vent échauffé le nuage s’effondre.
Et les germes ignés s’échappent, furieux,
En jets éblouissants qui nous poignent les yeux :
Puis l’oreille est frappée, et la voix de l’orage
Éclate ; mais le son est plus lent que l’image.

Imagines-tu bien l’élan prestigieux,
L’entassement profond de ces vapeurs des cieux ?
D’en bas nous embrassons tout au plus leur surface ;
Leur amoncellement se dérobe et s’efface.
Mais contemple parfois, compte, ces monts flottants
200Qu’à travers l’étendue emportent les autans,
Ou bien, sur le ciel calme où les aquilons dorment,
Ces amas de sommets qui par couches se forment,
Assis dans la splendeur des hautes régions ;
Tu concevras l’ampleur de leurs substructions.
Leurs antres, qu’on dirait faits de rochers qui pendent,
D’où les vents enfermés en menaces répandent,
Comme sous les barreaux des clameurs de lions,
Le murmure indigné de leurs rébellions,