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LIVRE CINQUIÈME

Lorsque, fermant la nue, une force contraire
Arrêta les torrents et ressuya la terre.

Mais par ordre exposons les œuvres du Chaos.
Quel travail a fondé la terre, assis les eaux
Et lancé dans le ciel le soleil et la lune ?
Ce n’est pas le calcul d’une entente commune,
L’accord de volontés sages ; les éléments
N’ont pas dans un conseil réglé leurs mouvements.
Sans nombre dans le temps sans limite, leur foule,
Sous l’empire des poids, au gré des chocs s’écoule.
Ils ont de proche en proche ébauché les rapports
Dont la combinaison peut engendrer les corps.
C’est en passant ainsi dans l’infini des âges
Par tous les mouvements et tous les assemblages,
Qu’ils ont pu se grouper dans un ordre fécond ;
Et cet ordre fortuit est le germe, le fond
Insensible et soudain des choses qu’on admire,
La mer, le ciel, la terre et tout ce qui respire.

Certe on ne voyait pas, tels que nous les voyons,
460Ce haut vol de la roue aux éclatants rayons,
L’air, la terre, le ciel, ou la masse de l’onde,
Ni rien d’absolument pareil à notre monde.
C’était un orageux prélude, ample chaos
D’où sortirent, groupés en agrégats nouveaux,
Plusieurs courants distincts d’atomes homogènes.
Alors notre univers, dégagé de ses chaînes,
Ordonna, disposa ses membres déployés.
Cette confusion de types variés,