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XX
PRÉFACE

Et au livre II (167 et suiv.) : « Quelques ignorants croient que la nature de la matière n’est point capable, sans la direction des dieux, de conduire avec une régularité si sage, si conforme à la logique humaine, le cours changeant des saisons… ; ils supposent que tout est l’œuvre des dieux. Mais ils me semblent aussi loin que possible de la vraie méthode. Et d’abord, sans rechercher les principes des choses, est-ce que les imperfections de la Nature ne suffisent pas à écarter l’hypothèse d’une origine divine ?… Tu ne peux absolument croire (V. 157-187) qu’une partie quelconque de l’univers renferme les saintes demeures des dieux… Dire que les dieux ont voulu disposer la nature en vue de l’homme ; qu’il faut louer sans cesse cet ouvrage divin et le traiter d’éternel…, c’est de la folie pure. De quel usage pourrait être à ces immortels, à ces bienheureux, notre reconnaissance ; de quel prix assez grand pour qu’ils créassent quelque chose à cause de nous ?… Puis, quel mal y avait-il pour nous à ne pas exister ? Celui qui est né, quel qu’il soit, veut demeurer en vie tant que le plaisir l’y engage ; mais celui qui n’a point goûté à la coupe de la vie, celui qui n’est pas entré en compte, est-ce qu’il se plaint de n’avoir pas été créé ? Au reste, qui aurait pu donner aux dieux l’idée des choses et des hommes ? Comment auraient-ils su ce qu’ils voulaient faire et deviné la force des éléments premiers ou leur puissance de combinaison, si la nature elle-même n’eût été là pour leur montrer l’échantillon de son travail créateur ? »