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LIVRE QUATRIÈME

Un suc réparateur, par les pores conduit,
Comble dans les vaisseaux le gouffre de leurs pertes,
Ce besoin dévorant de nos veines ouvertes.

La boisson, à son tour répandue en tout lieu,
Tombant sur l’estomac comme une eau sur le feu,
Dissipe l’incendie amassé par les fièvres
Qui desséchaient le sang et consumaient les lèvres.
Ainsi dans notre chair sont noyés et calmés
Les désirs par la soif ou le jeûne enflammés.

Je dirai maintenant pourquoi les pieds se meuvent
À notre volonté, comment nos ordres peuvent
Varier l’action des membres, quels ressorts
900Soulèvent en avant le faix pesant du corps.
Les mouvements divers ont leurs images libres
Qui, visitant l’esprit, en chatouillent les fibres ;
Et la volonté naît. Car, le moyen d’agir,
Sans que l’esprit en lui d’avance ait vu surgir
L’objet de son vouloir, l’image de son acte ?
L’esprit sollicité, touche, éveille, contracte
Instantanément, grâce à leurs étroits rapports,
L’âme éparse en tout lieu dans la trame du corps ;
L’âme aux membres transmet l’impulsion première ;
Et la masse bientôt s’ébranle tout entière.
Puis le corps, en marchant, se raréfie, et l’air,
Toujours mobile, emplit les pores de la chair,
Atteint dans les tissus la moindre molécule
Et, largement versé, dans les veines circule.
Ainsi, l’esprit et l’air sont la voile et le vent