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DE LA NATURE DES CHOSES

Que l’Auster par milliers disperse dans les nues ?

Tout d’abord et toujours, rien de moins contesté,
La vitesse répond à la légèreté.
C’est l’attribut des corps dont la trame est subtile.
Tels la flamme et le jour que le soleil distille ;
Leurs frêles éléments coulent à flots pressés ;
Dans les mailles du ciel, l’un par l’autre chassés,
Ils glissent hardiment sans reflux, sans barrière ;
La lumière sans trêve engendre la lumière ;
L’éclair de proche en proche aiguillonne l’éclair.
Ainsi le simulacre aux profondeurs de l’air
Franchit en un clin d’œil des gouffres insondables,
Indicibles : le choc d’atomes impalpables
Montant derrière lui le pousse loin du sol ;
200Son tissu rare et clair hâte encore son vol.
À travers toute chose il s’insinue et passe,
Filtré pour ainsi dire aux pores de l’espace.

Quoi ! ne voyons-nous pas, du fond même des corps,
D’insensibles fragments s’élancer au dehors ?
Quoi ! le jour tout d’un coup et la chaleur solaire,
Épanchés dans le ciel qui tout entier s’éclaire,
S’abattent sur la terre et l’onde, et baignent d’or
La voûte d’où jaillit leur radieux essor !
Et l’émanation du contour même éclose,
Quand à sa liberté nul retard ne s’oppose,
Moins vite franchirait moins d’espace ? Conclus.
L’image à temps égal en doit traverser plus
Que n’en perça jamais la lumière céleste.