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LIVRE DEUXIÈME

Quand partout sous l’airain le même orgueil s’allume,
Ou que la mer au loin sous tes vaisseaux écume ;
À moins, dis-je, qu’alors, les superstitions,
Tremblantes à leur tour devant tes légions,
S’envolant en déroute à la voix de la guerre,
Ne laissent ton cœur pur des soucis du vulgaire !
Mais si cet appareil, risible réconfort,
N’a jamais écarté les affres de la mort ;
S’il est vrai que jamais la meute des alarmes
N’a redouté le glaive et le fracas des armes,
Et hardiment s’ébat sous la tente des rois ;
Si jamais les grandeurs n’ont fait peur aux effrois,
Non plus que la splendeur de l’or et l’étalage
De la pourpre : contre eux quel recours reste au sage ?
Il reste la raison, la forte vérité.

60Eh ! ne vivons-nous pas en pleine obscurité ?
La nuit, l’enfant ne voit que présages funèbres ;
Encor ne tremble-t-il qu’au milieu des ténèbres ;
Nous, nous tremblons le jour. L’effroi qui nous poursuit
A-t-il donc plus de corps que ces terreurs de nuit ?
Sur ces ombres le jour épuise en vain ses flammes ;
La science peut seule éveiller dans les âmes,
À défaut du soleil, l’astre de la raison.

Regarde. Je m’en vais t’éclairer l’horizon.
J’exposerai les lois du mouvement, la force
Qui, des germes réglant l’accord et le divorce,
Forme et rompt le faisceau des choses, et comment
De contour en contour erre chaque élément,