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Maintenant, afin de te convaincre que les esprits, que les âmes fragiles naissent et meurent avec les êtres [418], (3, 420) je prépare des vers, fruits de mes longues recherches, de mes douces fatigues, et dignes de ta belle vie. Pour toi, aie soin de comprendre leur double nature sous un même nom ; et si, pour épargner un mot, je ne nomme que les âmes, et que je te les montre périssables, applique tout aux esprits sur ce point où un même sort les enchaîne.

D’abord, je te le répète, les âmes sont un mince tissu de petits atomes, et se composent de matière beaucoup plus fine que la substance liquide des eaux, le brouillard ou la fumée. Car elles sont mille fois plus agiles, (3, 430) et un choc plus faible les meut plus vite ; les apparences mêmes de la fumée, du brouillard, y suffisent : ainsi, lorsque dans un rêve nous voyons se dresser un autel qui exhale la vapeur et que la fumée couronne, ce sont évidemment de simples images qui nous frappent. Or, une fois que les vases sont en pièces, le fluide sort en jaillissant, et va se perdre ; le brouillard et la fumée se dissipent dans les airs : crois donc que les âmes se répandent aussi, que leur essence meurt encore plus vite, (3, 440) que plus vite se rompt leur assemblage, quand elles fuient arrachées de nos membres. En effet, si le corps, pulvérisé sous un choc ou amaigri par le sang ôté des veines, ne peut contenir son âme, dont il est en quelque sorte le vase, comment espérer de la voir contenue par les airs ? Un corps plus maigre que le nôtre sera-t-il une barrière pour elle ?

De plus, elle naît avec le corps, et les sens attestent que tous deux croissent, que tous deux vieillissent ensemble. Vois les enfants : la délicatesse de leur corps tremblant et faible répond à leur intelligence chétive. (3, 450) Puis, quand ils acquièrent une maturité robuste, le jugement grandit avec leur âme, dont la vigueur augmente. Mais sitôt que le choc puissant des années brise le corps, émousse les forces, abat les membres, la raison chancelle, l’esprit et la langue s’embarrassent : tous les organes dépérissent et manquent à la fois. Il faut bien alors que tout ce qui est de la nature des âmes se dissipe, comme la fumée dans les hautes régions des airs ; elles que nous voyons partager la naissance, partager les accroissements du corps, et qui, je le répète, succombent du même coup à la fatigue des ans.

(3, 460) Ajoutons un autre fait sensible. De même que les maladies cruelles attaquent le corps et que la douleur le travaille, nos âmes sont dévorées par les inquiétudes, le chagrin ou la peur. Elles doivent donc avoir part à la mort.

Que dis-je ? Souvent une maladie du corps les met en déroute, les égare : le trouble des idées, la folie du langage le prouvent. Souvent une léthargie les accable, les jette dans un assoupissement profond et interminable ; les paupières tombent, le front chancelle. Là, elles ne peuvent