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le rompt alors, pour effrayer de nouveau Jason.

« Apprenez, lui dit-elle, quels périls vous attendent après que vous aurez dompté les taureaux, et quel gardien veille sur la toison. Car, je l’avoue, je ne vous ai pas dit encore tout ce que j’ai résolu pour vous. Sous un arbre de la forêt de Mars est le plus grand obstacle de votre entreprise. Puissions-nous alors compter assez sur mon pouvoir, sur celui d’Hécate, et sur votre valeur ! »

Elle dit ; et pour faire voir au héros quel sera le dernier terme de ses épreuves, elle irrite le dragon replié sur ses immenses anneaux, et lui présente tout à coup l’ombre de Jason. Le monstre, contre sa coutume, hésite, et pousse des sifflements plaintifs : puis se dressant inquiet, il entoure de ses replis l’arbre et la toison, allonge le cou vers le fantôme, et, de ses mâchoires qu’il choque avec furie, ne saisit que le vide.

« Que signifie, jeune fille, ce bruit affreux, cet ébranlement terrible ? » s’écrie Jason, frappé d’horreur et tirant son épée. Médée sourit, le retient, et lui dit, après avoir apaisé le Dragon :

« Voilà le dernier ennemi que vous réserve mon père. Malheureux, que de fois on expose votre tête ! Oh ! puissé-je vous voir arriver sans efforts jusqu’à cet arbre, malgré l’effroyable rempart, malgré la vigilance qui le protège ; vous voir fouler aux pieds le monstre, m’en réjouir et mourir ! » Elle fuit à ces mots, et rentre dans la ville au déclin de la nuit.

Levé dès l’aurore avec le vain espoir de trouver Jason parti, et déjà éloigné de la côte de la longueur d’une nuit, Éétès s’était rendu sur le rivage de la mer redevenue calme et silencieuse. Comme il jetait des regards sur l’horizon, l’Arcadien Échyon vint lui annoncer que Jason était déjà dans le champ de Mars et demandait à combattre les taureaux.

« Il me provoque, dit-il, il ajoute la présomption à l’audace ! Allez, mes taureaux, fendez le sein de la terre, répandez toutes vos flammes, faites croître des moissons dont se souviendra notre colon thessalien. Et toi, ma fille, réserve le dragon pour sa troupe de Grecs. Que son seul regard les tue ; que son corps et la toison elle même soient teints et abreuvés de leur sang. »

Il ordonne en même temps à ses gens de lâcher les taureaux. Les uns portent les dents, horrible semence ; les autres, la lourde et sanglante charrue. Les Argonautes escortent et suivent leur chef magnanime, l’encouragent à l’envi, et le quittent enfin à l’entrée de la fatale carrière.

Jason s’arrête : comme un char dépassé dans la lice par d’autres chars, et que l’approche de la nuit, que la poussière soulevée par le brûlant Auster, que la neige versée du haut des montagnes de la Scythie par l’impétueux Borée ont soustrait aux regards ; tel paraît Jason, isolé du reste de ses compagnons. Tout à coup les rivages étonnés du Phase, le Caucase et ses antiques forêts, toute la Colchide enfin resplendissent de lumière ; du fond d’une étable jaillissent des vapeurs