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les airs, et va trouver Vénus dans l’Olympe. « Je n’oublie pas, lui dit-elle, l’aide que vous m’avez prêtée jusqu’ici ; mais la jeune fille demeure insensible ; elle combat sa passion par des pleurs, et, tout éprise qu’elle est, elle m’échappe. Allez donc, je vous prie : ayez raison de cet amour dont elle veut me frustrer. Qu’elle ose quitter le palais de son père, et défendre de tout péril Jason qui m’est si cher ; qu’elle charme par la puissance des sucs magiques le Dragon qui jour et nuit enveloppe de ses vastes et innombrables anneaux la toison et la forêt entière ; qu’elle l’assoupisse, et l’écarte de son arbre sacré. Voilà ce que j’attends de vous ; les Furies et Médée feront le reste. » La mère des Amours lui répondit : « Je vous ai servie, quand vous avez voulu rendre sensible le cœur de cette jeune fille, et lui inspirer des sentiments qu’elle ignorait. Pour vous seule je me suis dépouillée de ma ceinture ; le charme a opéré ; il a été irrésistible, Mais ce n’est pas assez, et j’y suis nécessaire. Ce cœur qui balance, cette pudeur qui chancelle me réclament tout entière. Eh bien ! je ferai en sorte qu’elle sollicite elle-même la main de Jason, qu’elle s’impatiente du moindre retard. Vous, faites-le venir bientôt dans le temple d’Hécate, où Médée, avec le chœur de ses compagnes, préside, les flambeaux à la main, aux mystères de la déesse. Ne craignez d’Hécate aucun obstacle à nos projets. Qu’elle l’ose d’ailleurs ; j’en fais le vœu : l’amour m’en fera bientôt justice ; je la forcerai alors de calmer elle-même de sa triple voix les taureaux de Vulcain, et à souffrir les embrassements de Jason. » Junon, apercevant Iris, lui enjoint d’obéir promptement à Vénus, et de faire venir le héros dans le temple.

Iris va trouver aussitôt les Argonautes, et Vénus la jeune fille. Junon, s’arrêtant sur un des sommets du Caucase, regarde attentivement les murs d’Éa, avec un espoir mêlé de crainte.

Invisible à tous les regards, Vénus découvrait à peine les murs de la ville, qu’une sensation étrange serre le cœur de Médée, rallume ses feux assoupis et réveille ses plaintes. Mille pensées diverses et qui toutes ont Jason pour objet viennent l’assaillir encore ; elle pleure, et comme s’il était là pour l’entendre : « Si ta mère, dit-elle, si ton épouse (aurait-il, hélas ! une épouse ?) pouvaient appeler à ton aide la vertu des philtres thessaliens ; si moi-même je pouvais faire autre chose que gémir des soucis qui t’accablent !... Mais non ; c’est ta mort que je verrai, traînée encore à ce spectacle par une sœur insensible. Il ne croit pas sans doute que personne ici soit touché de son sort, que personne se souvienne de lui ; il me hait moi-même avec tous les autres. Si cependant je le puis jamais, je veux recueillir sa dernière poussière, rassembler ses os, ceux du moins que la flamme meurtrière des taureaux aura respectés, et leur donner la sépulture. Alors enfin je pourrai chérir ses mânes, et rendre à sa tombe tout l’amour que j’eus pour lui. »