Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/552

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hypérie pleure, et la rappelle en lui tendant les bras. Que de fois, succombant à la fatigue de ces courses sans fin, ou quand le soir ramenait le froid et les ombres, elle s’affaissa sur les rochers ! Que de fois elle étancha dans des eaux fangeuses la soif qui la tourmentait, se nourrit d’herbes amères, (4, 380) et vit ses blanches épaules meurtries de coups ! Un jour que, résolue de mourir, elle tenta de se précipiter du haut d’un roc, Argus la fit bientôt descendre dans la vallée, et sauva ainsi, le barbare ! cet objet des caprices de sa maîtresse. Tout à coup de douces modulations se font entendre ; c’est Mercure qui les tire d’une flûte arcadienne, et qui arrive, dépêché par Jupiter. "Pourquoi s’éloigner, dit-il à Argus ? Allons, écoute un peu mes accords." En même temps il le suit de près. Bientôt les yeux d’Argus s’appesantissent, se ferment, et sont vaincus par le sommeil. (4, 390) Le dieu le voit, et, sans interrompre son jeu, le perce de son épée. Rendue à Jupiter sous sa forme primitive, Io traversait les campagnes, triomphant de Junon, quand devant elle se présente Tisiphone avec sa torche, ses vipères et ses hurlements infernaux. À cet aspect, elle reste immobile ; puis, reprenant sa forme de génisse, elle parcourt de nouveau collines et vallées, sans savoir où s’arrêter. Enfin, elle arrive sur les bords de l’Inachus : mais que sa seconde métamorphose est différente de la première ! Son père, les Nymphes effrayées ne veulent plus l’approcher. (4, 400) Elle repart donc encore, retourne encore au milieu des bois, fuyant un père adoré comme elle eût fui le Styx même, traverse les villes de la Grèce, franchit les fleuves, arrive aux bords de la mer, hésite un peu et s’y plonge. Mais les flots, instruits de l’avenir, s’abaissent, et lui livrent passage. On voit de loin ses cornes qui les dominent, et son fanon qui flotte à la surface. Alors la fille de l’Érèbe vole vers l’Égypte ; elle voulait repousser Io des rivages du Phare, (4, 409) lorsque le Nil accourut au-devant de la Furie, souleva contre elle toute la masse de ses ondes, et, quoiqu’elle implorât le secours de Pluton et des dieux de l’enfer, il l’engloutit et la brisa sur ses écueils. Au loin surnagèrent des débris de torches, des fouets dispersés çà et là, et des serpents arrachés à la chevelure du monstre. Cependant Jupiter n’abandonne pas d’un instant son amante ; un coup de tonnerre réveille toute sa sollicitude et fait trembler Junon, tandis qu’Io, déjà réunie aux immortels, déjà couronnée de l’aspic et faisant résonner son sistre triomphant, regarde ce tumulte du haut de l’Olympe. De la vint que le Bosphore fut ainsi appelé par les anciens du nom de la déesse errante. (4, 420) Maintenant qu’elle nous soit propice, et nous fasse voguer heureusement sur son détroit. »

Il dit ; les Argonautes, le vent en poupe, poursuivent leur voyage ; et le lendemain, l’Aurore leur découvre la route qu’ils ont faite pendant une nuit bien employée. De nouvelles côtes leur apparaissent ; voici la Thynie, fameuse par les malheurs du devin Phinée. La malédiction