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si grand génie ! Jamais femme ne te surpassera en renommée : ni celle qui, sans l’appât décevant des pommes des Hespérides, allait vaincre à la course le léger Hippomène ; ni la blanche Hélène, éclose de l’œuf du cygne ; ni Cassiopée, qui resplendit dans les hauteurs de l’Empyrée ; (11, 29) ni la jeune Grecque que défendirent si longtemps les bonds impétueux des coursiers d’Œnomaüs, dont la main fut recherchée par tant de mains grecques, qui vit tant de fois son père arracher pour elle l’âme à des prétendants téméraires, tant de fois la terre d’Élide regorger de sang ; ni Sémélé, cette royale fille ; ni cette Inachide, cette fille d’Acrisius, que visita Jupiter, foudre pour l’une, pluie pour l’autre ; ni l’épouse dont la pudeur ravie chassa des pénates héréditaires les Tarquins, le père et le fils, en ces temps où Rome échangea la superbe royauté contre les faisceaux plus doux des consuls, (11, 39) et mainte fois décerna les plus hautes récompenses aux services des Messala Publicola, ses enfants. À présent rappellerai-je leur zèle ardent pour l’État, leurs immenses labeurs ? Dirai-je les temps affreux de la guerre où s’endurcit leur courage ? les camps préférés au forum, les camps préférés à la ville, si loin d’un fils, si loin d’une patrie ? Dirai-je ces frimas, ces chaleurs excessives héroïquement endurés ; ce sommeil qu’ils peuvent goûter, bruyant et profond, sur le dur silex ? Dirai-je comme ils glissent, en dépit des astres, sur les mers orageuses ; comme, à force d’audace, ils triomphent de l’Océan et de ses tempêtes ; comme ils se jettent au plus épais des phalanges ennemies, (11, 50) sans redouter les chances communes du terrible jeu des batailles ; comme ils abordent les agiles Africains destinés à périr par milliers, et les flots d’or du Tage rapide ; comme ils portent leurs infatigables armes d’une nation à l’autre, comme ils vont vaincre par delà l’immense Océan ? Ce n’est point à nous à toucher à de si hautes louanges ; c’est à peine, j’ose le dire, la tâche d’un mortel. Les monuments de vos exploits raconteront d’eux-mêmes votre gloire à l’univers ; vos nobles vies rayonneront d’elles-mêmes dans la postérité.

J’en reviens à ces vers que tracèrent avec toi les dieux, (11, 60) Apollon, les Muses, Bacchus et Aglaé. Si ma muse aspire, bien que d’un humble effort, à suivre ta trace, si je puis accommoder au mètre romain tes saillies athéniennes, j’ai fait un pas plus grand que jamais je ne le désirai : c’en est assez ; je n’ai rien de commun avec l’épais vulgaire.


XII.

SUR POMPÉE LE GRAND, OU SUR MITHRIDATE.

(12, 1) Regarde cet homme que la gloire avait fixé sur un trône puissant, et porté plus haut que les cieux. Il avait ébranlé par la guerre le monde entier ; il avait brisé les rois et les peuples de l’Asie. Déjà il t’apportait, ô Rome, le lourd esclavage ; car tout le reste était tombé sous sa lance. Tout à coup, précipité lui-même au milieu de sa course triomphante, il tombe, il est