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et se mettait en marche avec son armée. Voici qu’un messager se précipite dans le palais avec un grand tumulte, et remplit toute la ville de terreur. Il annonce que les Troyens rangés en bataille ont quitté les bords du Tibre, (11, 450) et que les troupes tyrrhéniennes descendent de tous côtés dans la plaine. Soudain les esprits se troublent, la multitude est ébranlée ; la colère aiguillonne et soulève tous les cœurs. On demande des armes avec fureur : Aux armes ! crie la jeunesse frémissante. Les vieillards contristés pleurent, et dévorent leurs gémissements ; de tous côtés s’élèvent dans les airs d’immenses et discordantes clameurs. Tels des oiseaux attroupés quand ils s’abattent sur une forêt profonde, tels sur les bords de l’Éridan poissonneux les cygnes font entendre leurs chants rauques à travers les bruyants marais. Turnus saisit l’instant : « Citoyens, s’écrie-t-il, (11, 460) continuez à tenir conseil, et, tranquilles sur vos sièges, vantez-nous les douceurs de la paix ; que pendant ce temps l’ennemi se précipite au cœur du royaume. » Il dit, s’échappe de l’assemblée et s’élance hors du palais. « Va, dit-il à Voluse, commander aux bataillons volsques de se mettre sous les armes ; amène-moi aussi les Rutules ; vous, Messape, Coras et votre frère, déployez votre cavalerie dans la plaine ; qu’une partie des nôtres se dirige vers les passages qui mènent à la ville, et s’empare des tours ; et que le reste se porte en armes avec moi où je l’ordonnerai. » Cependant on accourt de toute la ville sur les remparts. Latinus lui-même abandonne le conseil, (11, 470) et, troublé par le malheur des temps, il ajourne ces grandes délibérations. Il se reproche amèrement de n’avoir pas tout d’abord accueilli le Troyen Énée, et associé cet illustre gendre à son trône. Les uns creusent de larges fossés devant les portes, les autres soulèvent pour s’y retrancher des pierres et des pieux ; la trompette aux sons rauques donne le signal sanglant des batailles ; les femmes, les enfants confondus bordent les murailles ; tous accourent où les appelle un grand et dernier péril. La reine, environnée de la foule nombreuse des dames latines, se fait porter au temple et à la haute citadelle de Pallas, pour y déposer ses offrandes : à ses côtés est Lavinie, (11, 480) la cause de ces grands malheurs, triste, et tenant ses beaux yeux baissés. Elles entrent dans le temple, qu’elles parfument d’encens ; et sur le seuil du sanctuaire elles répandent cette lamentable prière : « Déesse de la guerre, vierge de Triton, qui peux tout dans les combats, brise de tes mains la lance du ravisseur phrygien ; renverse-le sur la poussière ; étends-le sous ces hautes portes. »

Turnus dans son impatiente fureur s’armait pour le combat ; déjà la cuirasse rutule hérissait sur sa poitrine ses écailles d’airain ; déjà il avait revêtu ses cuissards dorés, ceint son épée ; et, les tempes encore nues, (11, 490) il descendait tout éblouissant d’or du haut de la citadelle. Le cœur bondissant de joie, il a d’avance vaincu son ennemi. Tel un coursier qui a rompu ses liens s’échappe des étables, libre enfin, et s’emparant de l’espace ouvert devant lui : il court aux pâturages et vers la troupe des cavales, ou vers les eaux connues du fleuve où il aime à se plonger ;