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vers le sol. Regarde comme les feux nocturnes, qui voltigent au sommet du ciel, se perdent, en sillonnant l’espace de leur chute lumineuse, partout où la nature leur donne passage ; regarde comme les astres filent vers la terre [209]. (2, 210) Le soleil lui-même, qui est à la cime du monde, verse la chaleur en tous sens, et sème la lumière dans nos campagnes : les feux du soleil tendent donc à se précipiter ici-bas. Enfin, les éclairs traversent les nues, et la foudre jaillit et vole tantôt ici, tantôt par là ; mais elle vient presque toujours éclater sur nos têtes.

Je veux aussi te montrer que les atomes, quand ils se précipitent en droite ligne dans le vide, dévient un peu par leur propre poids, mais si peu que rien, et on ne sait quand, on ne sait où. (2, 221) Si les éléments ne changeaient pas ainsi de route, ils tomberaient épars à travers les abîmes du vide, comme les gouttes de pluie : il n’y aurait jamais eu ni rencontre ni choc, et la nature demeurerait encore stérile.

Si par hasard on croit que les atomes les plus pesants atteignent dans leur course plus rapide les atomes plus légers, et les frappent, et produisent ainsi les mouvements créateurs, on va se perdre bien loin de la vérité. (2, 230) Car il faut bien sans doute que les corps qui tombent dans l’air ou l’eau précipitent leur chute suivant leurs poids, parce que la substance fluide des eaux et la nature déliée des airs ne peuvent opposer à tous des résistances égales, et cèdent plus vite sous un poids plus lourd ; mais le vide ne peut arrêter les corps, il ne le peut jamais, il ne le peut nulle part, et il leur fait toujours place, comme le veut sa nature. Les atomes doivent donc se précipiter avec la même vitesse, quoique leur poids diffère, dans le vide qui ne leur résiste pas ; (2, 240) et il est impossible que les plus pesants tombent sur les plus légers, amènent des chocs, et varient le mouvement pour aider aux créations de la nature.

Je le répète donc, il faut que les atomes dévient un peu, mais ils ne dévient que le moins possible ; car autrement il semblerait que nous leur prêtions un mouvement oblique, ce que la vérité repousse. Les yeux attestent et nous sommes toujours à portée de voir que les corps pesants, qui tombent de haut et suivent leur propre pente, ne se meuvent pas obliquement, ainsi que tu peux le distinguer toi-même : mais est-il un œil capable d’apercevoir si les atomes ne se détournent jamais de la ligne droite ?

(2, 251) Enfin, si tous les mouvements sont enchaînés et se reproduisent toujours dans un ordre toujours invariable ; si les atomes ne leur impriment point par de légers écarts une direction nouvelle qui rompe cet enchaînement fatal, et qui empêche la cause de succéder éternellement à la cause, d’où vient ici-bas cette volonté libre, cette volonté indépendante du sort [257], qui pousse les êtres où le plaisir les appelle, qui leur fait changer de route, non pas à époque fixe