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consacreront à Sylvain, au dieu protecteur des champs et des troupeaux, et qu’ils instituèrent un jour de fête en son honneur : les Pélasges furent les premiers qui s’établirent sur les terres des Latins. Non loin de là, Tarchon et les Tyrrhéniens avaient assis leur camp, et du haut d’une colline on pouvait déjà voir leurs bataillons et leurs tentes se déployer au loin dans la plaine. Énée et sa troupe d’élite se portent sur les hauteurs ; cavaliers et chevaux s’y arrêtent fatigués, et s’y reposent.

Cependant Vénus apparaît brillante sur les nuages, apportant les armes promises à son fils. Dès qu’elle le vit au fond d’une étroite vallée, (8, 610) et se reposant à l’écart sur les fraîches rives du fleuve, elle s’offre à ses regards, et lui parle en ces mots : « Les voilà ces présents que Vulcain, mon époux, m’avait promis pour toi ; voilà ces armes que son art a achevées. Maintenant, ô mon fils, ne crains plus de défier au combat et les superbes Laurentins et le bouillant Turnus. » À ces mots, la déesse de Cythère embrasse son fils, et pose devant lui au pied d’un chêne la radieuse armure. Énée, ravi des présents de la déesse et d’une si haute tendresse, ne peut se rassasier de la vue de ces armes, en examine chaque partie d’un œil curieux, ne se lasse point de les admirer, manie et essaye (8, 620) ce casque au redoutable panache, et qui vomit des flammes ; cette épée qui porte la mort, cette cuirasse hérissée d’airain, sanglante, immense, pareille au nuage azuré qui s’enflamme aux rayons du soleil, et qui projette au loin ses reflets lumineux. Puis il saisit ces cuissards polis, faits d’un métal trempé d’or et d’argent, et la lance, et le bouclier, ouvrage merveilleux qui ne se peut décrire. Sur son orbe le dieu du feu, qui savait les oracles et les siècles à venir, avait retracé les grandes choses de la nation italienne, et les triomphes des Romains : il y avait représenté toute la suite des descendants d’Ascagne, et la longue série de leurs combats. (8, 630) On voyait dans l’antre de Mars une louve féconde couchée sur l’herbe verdoyante ; deux enfants jumeaux, pendus à ses mamelles, jouaient autour et suçaient leur sauvage nourrice sans trembler : celle ci, la tête mollement détournée vers eux, les caressait tour à tour et façonnait leur corps de sa langue. Près de là, on voyait Rome, et les Sabines violemment enlevées des sièges de l’amphithéâtre, au milieu des grands jeux du Cirque : alors éclatait une guerre nouvelle entre Romulus, le vieux Tatius, et les austères Sabins. Bientôt les deux rois, mettant bas les armes, (8, 640) se tenaient, armés et une coupe à la main, devant l’autel de Jupiter, et se juraient, sur les entrailles d’une truie immolée, une éternelle alliance. Non loin de là, de rapides coursiers attelés à des quadriges entraînaient en sens contraire Métius, (infidèle Albain, que ne gardais-tu tes serments !) et déchiraient (ainsi le veut Tullus) les membres du traître emportés à travers la forêt ; les ronces dégouttaient, arrosées de son sang. Ailleurs Porsenna ordonnait aux Romains de recevoir Tarquin rejeté de leurs murs, et pressait Rome par un siège opiniâtre. Les petits-fils d’Énée se je-