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son casque ; et comme le père des dieux lui-même imprime sur son front sa divine splendeur ? Ce sera, mon fils, sous ses auspices que la superbe Rome étendra son empire sur toute la terre, enfantera des courages qui l’égaleront aux dieux, et seule entre les cités embrassera sept monts dans son enceinte ; ville heureuse dans ses enfants, sa joie et son orgueil ! Telle la féconde Cybèle, la tête couronnée de tours, parcourt sur un char de triomphe les villes de la Phrygie, glorieuse d’être la mère des dieux, et de rassembler autour d’elle cent petits-fils, tous habitants de l’Olympe, tous trônant sous la voûte des cieux.

« Tourne les yeux de ce côté, mon fils, et regarde cette nation ; (6,790) ce sont tes Romains. Voilà César, et toute la postérité d’Ascagne, qui doit venir à la vie sous la voûte immense des cieux.

« Mais voici, voici le héros qui t’a été si souvent promis, César Auguste, du sang des dieux, qui rappellera l'âge d’or dans le Latium, et dans ces champs où régna jadis Saturne : il étendra son empire jusque sur les Garamantes et les Indiens, par delà les astres et les voies de l’année et du soleil, jusqu’en ces climats où l’infatigable Atlas soutient sur ses épaules l’astre resplendissant des cieux. Déjà dans l’attente de ce vainqueur les peuples de la Caspienne (6,800) et ceux des Méotides frémissent, effrayés par les oracles des dieux ; déjà se troublent et s’épouvantent les sept embouchures du Nil. Non, Alcide qui a percé la biche aux pieds d’airain, qui a pacifié les forêts d’Érymanthe, qui a fait trembler avec son arc l’Hydre de Lerne ; ni Bacchus qui lançant des sommets de Nise ses tigres soumis au joug, manie en vainqueur les rênes de son char entrelacées de pampres, n’ont parcouru tant de lieux que César en a conquis. Et nous hésiterions encore à étendre notre nom par nos exploits ? Et nous craindrions de fixer nos destinées dans la terre d’Ausonie ?

« Mais quel est ce vieillard qui paraît dans le lointain, l’olivier sur le front, (6,810) et dans les mains les objets sacrés du culte ? Je le reconnais à sa chevelure, à sa barbe blanche : c’est un roi ; c’est le premier qui fondera sur des lois la naissante grandeur de Rome : de sa petite ville de Cures et de l’humble champ de ses pères, il sera appelé à un puissant empire. Tullus lui succédera, Tullus enfin rompra le repos de la patrie ; il réveillera le goût des armes dans les cœurs endormis, et qui déjà désapprenaient la victoire. Vois après lui Ancus, Ancus trop vain de ses aieux, et qui dès à présent s’enivre de la faveur populaire. Veux-tu voir les Tarquins, et la fière âme de Brutus, le vengeur de la tyrannie, et les faisceaux qu’il a repris sur elle ? (6,820) Le premier consul de Rome, il fera porter devant lui les haches redoutables : ses enfants remueront l’État pour en changer la face. Il les immolera à la liberté publique : Malheureux père ! quoi que doivent un jour en penser nos neveux, l’amour de la patrie et la soif immense de la gloire l’emporteront dans ton cœur. Regarde plus loin, mon fils, et vois les deux Décius, les Drusus, Torquatus à la hache cruelle, et Camille rapportant à Rome les drapeaux gaulois.