Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nue, ils y laissent la vie et tombent sur la terre.

C’est en vain qu’on fait changer de pâturages aux troupeaux : l’art même se tourne contre eux ; et le mal a vaincu la science des maîtres, (3, 550) celle des Chiron et des Mélampe. Échappée des ténèbres du Styx, la pâle Tisiphone étale ses fureurs à la pleine lumière des cieux, pousse devant elle les Maladies et la Peur, et de jour en jour lève plus haut sa tête dévorante. Les bêlements des brebis, les mugissements répétés des taureaux, font retentir les fleuves et leurs rives desséchées, et l’aride pente des collines. La déesse cruelle entasse morts sur morts ; elle comble les étables de cadavres infects, et qui tombent en pourriture, jusqu’à ce qu’il faille enfin les couvrir de terre et les enfouir tout entiers dans des fosses profondes. Car on ne pouvait faire usage de leurs peaux, (3, 560) on ne pouvait ni les purifier par l’eau, ni en dompter l’infection par le feu. Il n’y avait pas moyen de tondre les brebis malades, d’enlever leurs toisons pénétrées du venin rongeur, et de toucher à ces laines putréfiées : malheur à celui qui osait revêtir ces dépouilles impures ! Soudain il voyait son corps, baigné d’une sueur immonde, se couvrir de pustules ardentes, et bientôt il périssait consumé d’invisibles feux.






LIVRE IV.

(4, 1) Maintenant je vais chanter ce doux présent des cieux, le miel, qui vient des rosées de l’air. Ô Mécène, jette encore les yeux sur cette partie de mon ouvrage ! Je veux te montrer dans de petits objets des merveilles étonnantes ; je dirai les chefs magnanimes d’un peuple industrieux, ses mœurs, ses travaux, toute la nation, et ses combats. Le sujet n’est pas grand ; mais grande sera ma gloire, si les dieux propices le permettent, et si Apollon que j’invoque, daigne m’écouter.

Il faut d’abord chercher pour y établir tes abeilles un endroit favorable, et qui soit de tous les côtés fermé aux vents : car les vents (4, 10) les empêchent de rapporter leur pâture dans leurs demeures. Que les brebis, que les boucs pétulants ne viennent pas bondir sur les fleurs d’alentour, ni la génisse, errant à l’aventure, fouler les herbes naissantes et en secouer la rosée. Loin de tes ruches bourdonnantes et le lézard vert aux taches livides, et les guêpes, et Procné encore sanglante du meurtre de son fils ! Tous ces ennemis ailés portent cà et là le ravage ; ils enlèvent dans son vol l’abeille, douce pâture pour leur barbare couvée. Je veux près des essaims de claires fontaines, des étangs bordés d’une verte mousse, un petit ruisseau fuyant sous le gazon, (4, 20) et qu’un palmier ou un olivier sauvage couvre de sa grande ombre le vestibule de leur demeure. Ainsi lorsqu’au premier printemps qu’ils voient, les nouveaux rois conduisent leurs peuplades nouvelles, et qu’échappé de ses alvéoles le jeune essaim va s’ébattre à la lumière, la rive voisine l’invite à s’y retirer contre la chaleur ; un arbre est là tout près, qui le retient sous son feuillage hospitalier. Là, soit que l’eau repose immobile,