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res du feu et aux signes brûlants. Il faut croire de même que la lune, que ces roulantes étoiles dont les vastes cercles embrassent de longues années, flottent d’une extrémité à l’autre sous la double et alternative impulsion de l’air. Ne remarques-tu pas que des vents opposés contrarient les nuages, et emportent diversement leurs couches amoncelées ? Pourquoi, dans l’immense tourbillon de l’éther, les astres seraient-ils moins capables de jaillir sous deux tempêtes opposées ?

La nuit enveloppe la terre de ses grandes ombres, (5, 650) parce que le soleil, après une longue marche, touche la borne du ciel, et, languissant, exhale ses feux épuisés par la route, amortis par la vague épaisse de l’air ; ou bien parce que la même force qui a soutenu le disque au-dessus de la terre le contraint à rouler sous elle.

De même, à un instant fixé, Matuta conduit la rose et jeune Aurore dans l’empyrée, et ouvre les portes de la lumière : soit parce que ce même soleil qui était sous terre remonte, et de loin s’empare du ciel, tandis qu’il essaye à l’embraser de ses rayons ; (5, 659) soit parce qu’à une heure déterminée il s’amasse habituellement des feux et mille germes ardents, qui fournissent au soleil une lumière toujours renaissante et fraîche. Ainsi l’on raconte que des hautes cimes de l’Ida brillent, à l’aube du jour, des flammes éparses qui s’amoncellent bientôt en un seul globe, et forment un disque.

Il n’est rien pourtant qui doive te surprendre dans le concours si exact de ces atomes de feu, qui réparent l’éclat usé du soleil. Que de choses ne voit-on pas s’accomplir à époque fixe dans tous les êtres ! Le jour est marqué (5, 670) où les arbres fleurissent ; il est marqué le jour où ils dépouillent la fleur. À jour marqué aussi l’âge veut que les dents nous tombent, que l’enfant d’hier se couvre d’un tendre duvet, fleur de l’adolescence, et qu’une barbe molle s’épanche de sa joue. Enfin la foudre, la neige, les pluies, les nuages, les vents, n’ont pas lieu à des époques trop incertaines de l’année. Car, une fois que les causes premières sont établies, que les effets suivent la même pente depuis la naissance du monde, tout arrive dans un ordre de succession invariable.

Divers motifs permettent que les nuits entamées fondent sous la croissance du jour, (5, 680) et que la durée lumineuse soit amoindrie par les envahissements de la nuit. Il se peut que le même soleil, traçant au-dessus et au-dessous de la terre des courbes inégales, découpe les campagnes de l’éther, et tranche le monde en deux parties inégalement éclairées ; mais le feu qu’il dérobe à l’une, il le reporte et l’ajoute à l’autre hémisphère, où il retourne : puis, enfin, il arrive au signe du ciel qui est comme le nœud de l’année, puisqu’il enchaîne d’une égale durée l’éclat des jours et l’ombre des nuits. Car, entre le vent du nord et le vent du midi, il est un point où le ciel tient à une même distance ces deux limites, (5, 690) grâce à l’inclinaison du cercle planétaire, où le soleil dévore une année dans sa marche traî-