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est impossible de bien vivre. Nouvelle raison de croire que ce fut un dieu, (5, 20) celui dont émanent ces douces consolations de la vie, répandues chez les grands peuples, et qui maintenant encore charment les âmes.

Si on met au-dessus les exploits d’Hercule, certes on s’égare loin de la vérité. Quel mal nous feraient aujourd’hui le lion de Némée et le gouffre de sa gueule immense, l’horrible sanglier d’Érymanthe, ou enfin le taureau de Crète, et le fléau de Lerne, cette hydre hérissée d’un rempart de couleuvres au dard empoisonné ? Qu’aurions-nous à craindre de la triple poitrine du triple Géryon ? Et les chevaux de Diomède, soufflant le feu par les narines, (5, 30) près de la Thrace, sur les côtes Bistoniennes, au pied de l’Ismare, nous gêneraient-ils si fort, ainsi que les formidables griffes des oiseaux d’Arcadie, hôtes du Stymphale ? Et le farouche gardien qui veille sur les pommes d’or étincelantes des Hespérides, ce serpent au regard terrible, au corps énorme, dont les replis embrassent le tronc de l’arbre, serait-il capable de nuire, relégué sur les plages de l’Océan, au bord de ces tristes mers où nul Romain ne se hasarde, et que le barbare même n’ose affronter ?

Tous les monstres semblables jadis étouffés, à défaut de vainqueur, existeraient encore ; que pourraient-ils nous faire ? (5, 40) Rien, que je sache. Car aujourd’hui même les bêtes sauvages pullulent à foison ici-bas ; elles agitent et peuplent de mille terreurs les bois, les hautes montagnes, les forêts profondes ; mais ces lieux, qui nous empêche de les éviter ?

Au contraire, si l’on n’a point un cœur pur, que de combats, que de périls il faut essuyer malgré soi ! Quels soucis rongeurs, quelles inquiétudes, quels déchirements cause la passion ! Que de craintes ! Et l’orgueil, la débauche, l’emportement, que de ravages ne font-ils pas, ainsi que le luxe, la paresse ?

(5, 50) Et un homme qui a dompté tous ces fléaux, qui les extirpe du cœur avec les seules armes de la parole, ne sera pas jugé digne d’être mis au rang des dieux ! Surtout quand cet homme nous parle toujours des immortels eux-mêmes en termes divins, et que sa voix nous découvre la nature des choses.

Attaché à ses traces, je vais poursuivre mes raisonnements, et enseigner combien il est nécessaire que tous les êtres se bornent à une durée que fixent les conditions de leur existence, sans pouvoir enfreindre les lois immuables du temps. (5, 60) Ainsi, en première ligne, nous avons trouvé la nature des âmes : elles se composent de matières qui naissent avec nous, elles ne peuvent fournir sans atteinte de longues années ; et dans le sommeil, mille fantômes les abusent, puisque nous croyons apercevoir un homme qui a cessé de vivre.

Pour achever, le développement du système me conduit à faire voir que le monde, amas de substance périssable, naît et succombe. Je dirai comment la rencontre des atomes a formé