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le temps et dans l’espace n’est point sa Vie, mais que celle-ci ne consiste que dans ce mouvement ascendant et que c’est uniquement dans la soumission de son individualité à la raison que réside la possibilité de la vraie Vie et du Bonheur.

Il n’existe réellement que la vie de la conscience réfléchie. La vraie vie de l’homme, c’est l’aspiration à un bien qu’il peut acquérir par la soumission de son individualité à la loi de la raison. Mais ni la raison, ni le degré de soumission à la raison ne peuvent être déterminés par l’espace et le temps. La vraie vie de l’homme s’accomplit en dehors de l’espace et du temps. Tous les raisonnements du monde ne sauraient cacher à l’homme cette vérité évidente, à savoir que son existence animale est quelque chose qui périt, qui tend à la mort, et que par conséquent la vie ne peut résister dans cette individualité animale. L’homme doit donc renoncer au bien de l’individualité animale. Le renoncement au bien de l’individualité animale est la loi de la vie humaine. Si cette loi ne s’accomplit pas librement en se manifestant par la soumission à la conscience réfléchie, elle s’accomplit de force dans chaque homme lors de la mort charnelle de son animal, quand, accablé par le poids des souffrances, il ne désire plus qu’une chose : être délivré du sentiment douloureux de son individualité qui meurt et passer à une autre forme d’existence.

Les siècles s’écoulent et l’énigme du bonheur de la vie humaine reste tout aussi indéchiffrable pour la majorité des hommes. Et pourtant elle a été devinée depuis bien longtemps. Cette énigme^ c’est que tous les êtres cessent de vivre pour leur propre bien