Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

de très bonnes conditions pour le faire. Combien y a-t-il d’hommes, qui, tout en professant les idées du penseur russe, sont obligés de continuer leur fausse vie !

Lorsque Tolstoï a compris l’absurdité de la vie des grandes villes, il est parti à la campagne, chez lui, dans sa famille, où il trouve soins, affections, amour.

« Revenir à la terre ! » Mais il faut l’avoir, cette terre. Tolstoï est heureux d’avoir hérité de ses ancêtres Iasnaïa-Poliana. Que faire à ceux qui n’ont jamais rien hérité ? Au lieu d’une vie paisible de campagne, ils doivent coudoyer les méchants humains des grandes villes, sans pouvoir purifier leur méchanceté ! Combien d’efforts il leur faut, quelle somme énorme de volonté consciente pour ne haïr personne, pour ne pas blasphémer, pour garder la sérénité de leur âme ! Et ils doivent encore savoir se dissimuler aux yeux de la foule sous un masque qui voile leurs traits véritables, car les foules n’aiment pas ceux qui ne leur ressemblent guère ! Tolstoï peut bien prêcher l’Amour, quand il le connaît, quand il en est entouré ! Combien y-a-t-il d’êtres dont la source inépuisable d’aimer tarit sans jamais avoir été entamée ! Tolstoï peut mettre sa vie à la discrétion de tout le monde : il est assez indépendant pour cela, « Il y a des hommes, des esprits libres et hardis, des cœurs purs et tendres, mais brisés et inguérissables, qui cachent aux yeux de tous leurs misères et leurs souffrances[1] », parce que cet orgueil serein est l’unique source où ils puisent les forces morales,

  1. Nietzsche.