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l’ambulance ; malgré cela, tout comme aux jours précédents, le ciel s’embrasait de lueurs d’aurore au-dessus du mont Sapoun, les étoiles scintillantes pâlissaient, un brouillard blanchâtre se levait sur la houle sombre et plaintive de la mer, l’aube empourprait l’orient, de longs nuages de flamme couraient sur l’horizon d’azur ; comme aux jours précédents, le grand flambeau montait lentement, puissant et superbe promettant au monde ranimé la joie, l’amour et le bonheur[1]. »

L’arrivée de Tolstoï à Sébastopol ne provoqua en lui que des bouffées d’éloquence patriotique. « Vous marchez avec calme, l’âme élevée et fortifiée, car vous emportez la consolante certitude que jamais, nulle part, la force du peuple russe ne saurait être ébranlée ; et cette certitude, vous l’avez puisée non dans la quantité des mines, des canons entassés les uns sur les autres, mais dans les yeux, les paroles, la tenue, dans ce qu’on appelle l’esprit des défenseurs de Sébastopol. Il y a tant de simplicité et si peu d’efforts dans ce qu’ils font que vous restez persuadés qu’ils pourraient, s’il le fallait, faire cent fois davantage, qu’ils pourraient faire tout. Vous devinez que le sentiment qui les fait agir n’est pas mesquin, vaniteux, mais un autre plus puissant… Ce mobile gît dans un sentiment qui se manifeste rarement, qui se cache avec pudeur, mais qui est profondément enraciné dans le cœur de tout Russe : l’amour de la patrie[2]. »

  1. Souvenirs de Sébastopol.
  2. Idem.