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Il y a beaucoup de germes dans l’humanité, dît Kant[1], et c’est à nous à développer proportionnellement nos dispositions naturelles, à donner à l’humanité tout son déploiement et à faire en sorte que nous remplissions notre destination. Les animaux remplissent la leur, spontanément et sans la connaître. L’homme, au contraire, est obligé de chercher à atteindre la sienne, mais il ne peut le faire qu’autant qu’il en a une idée. Se cultiver soi-même, devenir meilleur et, si l’on est mauvais, développer en soi la moralité, voilà le devoir.

L’éternelle loi générale de la vie est écrite dans l’âme de chaque être humain. La loi du progrès du perfectionnement moral est gravée dans le cœur de chaque individu. Elle n’est féconde qu’à l’état individuel. La volonté consciente et raisonnante est le couronnement du développement de l’individualité.

L’homme n’a conscience de son existence que lorsqu’il sent qu’il a le pouvoir de désirer, c’est-à-dire quand il a conscience de sa volonté.

Cette volonté doit être libre : elle est la base de la vie. L’homme doit être assez fort pour se dire : « Si la vie n’a pas de sens, je veux m’en créer un. » L’homme fort doit savoir lutter non seulement avec les méchants, mais avec lui-même. La lutte, les obstacles, les hommes, peuvent le briser, ils ne doivent jamais pouvoir le plier.

L’homme fort doit passer par le pessimisme, mais ne pas y demeurer longtemps et quand il en sort, ce n’est pas pour se dire : Je vis parce que telle est la

  1. Traité de pédagogie, introduction, Paris, Alcan.