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paraîtront aussi simples et aussi naturels que nous le semblent aujourd’hui les principes de la vie familiale, et la doctrine de l’Amour sera la seule base de la vie sociale.

La vérité, quand une fois elle s’est exprimée par des mots, poursuit son œuvre jusqu’à ce qu’elle anéantisse tout ce qu’elle doit anéantir, — le mensonge qui, de toutes parts, l’enserre et la cache. L’idée cherche longtemps l’expression qui la manifestera au dehors ; mais qu’elle trouve seulement le mot qui l’exprime clairement : le mensonge et le mal seront tôt anéantis. Exemple : l’abolition de l’esclavage. L’une des idées propres au christianisme est assurément que l’humanité peut vivre sans l’esclavage.

Or, bien que partie intégrante de la doctrine chrétienne, cette idée n’a été clairement exprimée que par les écrivains de la fin du xviiie siècle. Avant eux non seulement les païens de l’antiquité, comme Platon ou Aristote, mais les chrétiens du monde moderne ne parvenaient pas à se représenter une société humaine sans l’esclavage. Thomas Morus n’a pas pu se représenter son Utopie sans l’esclavage. De même les hommes du commencement de ce siècle n’ont pu se représenter la vie de l’humanité sans la guerre. C’est seulement après les guerres napoléoniennes que ridée a été clairement exprimée que l’humanité peut vivre sans la guerre. Cent ans se sont passés depuis que, pour la première fois, l’idée que l’humanité peut vivre sans l’esclavage a été exprimée, et, parmi les chrétiens l’esclavage n’est plus ; cent ans ne se passeront pas depuis le jour où, pour la première fois, l’idée a été