Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

la vie. « Celui qui travaille mérite sa nourriture. » C’est une très courte sentence, mais pour quiconque la comprendra, il ne peut plus être question du danger de mourir de faim dont tout homme qui ne possède aucune propriété est menacé. Pour comprendre ces mots dans leur vrai sens, il faut avant tout se détacher complètement de l’idée, devenue habituelle grâce au dogme de la Rédemption, que la félicité de l’homme consiste dans le désœuvrement. Il faut rétablir ce point de vue, naturel à tous les hommes non dégénérés, que la condition indispensable du bonheur de l’être humain est le travail, non pas l’oisiveté ; que l’homme ne peut pas ne pas travailler.

Il faudrait déraciner ce sauvage préjugé que la position d’un homme qui touche de l’argent à terme, c’est-à-dire qui a une place du gouvernement, ou une propriété foncière, ou des titres de rente avec coupons, grâce auxquels il a la possibilité de ne rien faire, est une position heureuse et naturelle. Il faut rétablir dans les cerveaux humains la manière d’envisager le travail comme la première source de la vie et du bonheur. L’homme n’est pas au monde pour que l’on travaille pour lui, mais pour travailler lui-même.

La cause principale du paupérisme est la richesse. Dans une société où existe, sous une forme quelconque, l’exploitation et la violence, l’argent ne peut aucunement représenter le travail. Dans notre société, il arrive bien rarement que l’argent soit le produit du travail de celui qui le possède ; il représente presque toujours le travail passé ou futur des antres hommes, des vrais travailleurs. L’argent n’est