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volonté unique, forment l’armée. Le pouvoir se trouve toujours dans les mains de ceux qui commandent l’armée ; et toujours les chefs de pouvoir se soucient de l’armée plus que de toute autre chose^ et ne flattent qu’elle, sachant que, si elle est avec eux, le pouvoir leur est assuré.

C’est cette composition et cette force de l’armée, nécessaires à la garantie du pouvoir, qui ont introduit dans la conception sociale de la vie le germe démoralisateur. Tous les procédés connus, et le droit divin, et l’élection, et l’hérédité, donnent les mêmes résultats négatifs. Aucun de ces procédés n’est capable d’assurer la transmission du pouvoir aux seuls infaillibles ou même d’empêcher l’abus du pouvoir. Au contraire, ceux qui le possèdent, — qu’ils soient souverains, ministres, préfets ou sergents de ville, — sont toujours, parce qu’ils ont le pouvoir, plus enclins à l’immoralité, c’est-à-dire à subordonner les intérêts généraux à leurs intérêts personnels, que ceux qui n’ont pas le pouvoir.

Pour que la domination des uns sur les autres atteignit son but, pour qu’elle pût limiter la liberté de ceux qui font passer leurs intérêts privés avant ceux de la société, le pouvoir eût dû se trouver aux mains d*infaillibles. Ce n’est que dans ces conditions que l’organisation sociale pouvait se comprendre. Hais comme cela n’existe pas, l’organisation sociale basée sur l’autorité ne peut plus être justifiée.

Jusqu’à présent les hommes croyaient naïvement que le gouvernement existait pour leur bien ; que sans gouvernement ils seraient perdus ; qu’on ne peut, sans sacrilège, exprimer la pensée de vivre