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d’eau pour pouvoir entrer dans cette anse mouillent à la pointe de Lara, à une lieue et demie dans l’ouest. Ils y sont exposés à tous les vents ; mais la tenue étant fort bonne, ils y peuvent hiverner, quoiqu’avec beaucoup d’incommodités.

Je laissai à la pointe de Lara M. de la Giraudais chargé des soins relatifs à son vaisseau, et je me rendis à Buenos-Ayres, d’où je lui expédiai une grande goélette sur laquelle il pouvait abattre, lorsqu’il serait entré à la Encenada. Il fallait pour cela qu’il déchargeât en partie les effets qu’il avait à bord de la Smeralda et de la Liebre. Le 8 octobre, l’Étoile fut en état d’entrer dans le port, et on trouva que son radoub serait moins long qu’on ne l’avait appréhendé. Toutes les avaries ayant été promptement réparées, et la flûte recalfatée en entier, elle revint, le 21, à la pointe de Lara, où elle reprit son chargement à bord des frégates espagnoles. Elle y embarqua aussi successivement le bois, les farines, le biscuit et les différentes provisions que je lui envoyai dans cette rade.

Il en était parti pour Cadix, à la fin de septembre, la Vénus et quatre autres bâtiments chargés de cuirs, et portant deux cent cinquante Jésuites chassés des Réductions et les familles françaises des Malouines, à l’exception de sept, qui, n’ayant pu y trouver place, furent forcées d’attendre une autre occasion. Le marquis de Bucarelli les fit venir à Buenos-Ayres, où il pourvut à leur subsistance et à leur logement. On venait d’apprendre dans le même moment l’arrivée du Diamant, vaisseau de registre, expédié pour Buenos-Ayres, et celle du Saint-Michel, autre vaisseau de registre destiné pour Lima. La situation de ce dernier bâtiment était triste. Après avoir, pendant quarante-cinq jours, lutté contre les vents sur le cap de Horn, 39 hommes de son équipage étant morts et le reste attaqué du scorbut, un coup de mer ayant emporté son gouvernail, il avait été forcé de faire route pour cette rivière, où il était entré dans le port des Maldonades, sept mois après être sorti de Cadix et n’ayant plus que trois matelots et quelques officiers en état d’agir. Nous envoyâmes à la requête des Espagnols un officier et un équipage pour amener ce bâtiment à Montevideo. Il y était arrivé le 5 octobre la