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bancs. Je me déterminai à courir jusqu’à onze heures du soir, voulant faire à peu près huit lieues depuis la sortie des bancs. Alors nous mouillâmes sur une ancre à jet, le temps et la mer étant calmes. Les Espagnols suivirent notre feu et mouillèrent une lieue et demie derrière nous.

La route corrigée, depuis le 8 cinq heures du soir jusqu’à la vue de la balise, fut le nord-ouest-quart-nord trois degrés ouest dix lieues, et depuis la vue de la balise jusqu’au mouillage, le nord-ouest cinq degrés nord six lieues. La sonde amena toujours de la vase molle noire.

Le 10, j’appareillai à six heures du matin et, vers huit heures, on aperçut du haut des mâts les vaisseaux espagnols mouillés à la Encenada. Nous fîmes route pour passer au vent à eux, sondant toujours du bord et nos bateaux sondant devant nous ; le courant nous abattait considérablement dans le sud-est et nous l’avions ressenti semblable la veille depuis midi. Depuis deux heures il fallut chenaler sans cesse pour éviter un banc qui s’étend au large de la pointe de la Encenada, en dedans de laquelle nous vîmes bientôt distinctement de dessus le pont cinq bâtiments à l’ancre. Sur les quatre heures, nous touchâmes et franchîmes presqu’aussitôt. Il nous vint à bord un officier espagnol, qui ne put nous donner aucune lumière sur le chenal. Dès que nous eûmes augmenté d’eau jusqu’à quatre brasses et demie, je fis mouiller environ à une demi-lieue de la frégate la Smeralda, sur un fond de vase noire un peu molle. Ce fond est le même dans tout le canal : sur les accores du banc Ortiz il est de sable rouge.

La route corrigée depuis le mouillage du 9 au soir, fut le ouest cinq degrés sud sept lieues. Nous affourchâmes nord-est et sud-ouest avec une ancre du bossoir et une ancre à jet. Le Carmen mouilla près de nous ; la goélette et le Saint-Fernand continuèrent leur route pour Buenos-Ayres.

Les vaisseaux mouillés dans cette rade étaient la Vénus, frégate de vingt-six canons, et quelques navires marchands destinés, comme elle, à faire voile incessamment pour l’Europe. J’y trouvai aussi la Smeralda et la Liebre, qui se disposaient à retourner avec des muni-