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À six heures et demie nous touchâmes sur un fond de vase. Aussitôt j’envoyai sonder autour de nous, et on ne trouva pas plus de trois brasses et un pied : la mer était tout à fait basse. Comme l’Étoile tirait beaucoup plus d’eau de l’arrière que de l’avant, nous la mîmes rapidement en tonture. La mer qui montait nous remit à flot, et, dès que nous y fûmes, on mouilla une ancre à jet avec une touée de deux grelins pour passer la nuit. Le courant était très fort et sa direction sud-est et nord-ouest.

La route depuis Montevideo jusqu’à huit heures que le petit banc de pierre fut doublé, a été le sud environ trois lieues. Celle depuis huit heures du soir que nous avons doublé la pointe de l’est du banc Ortiz, a été le sud-ouest-quart-ouest quatre degrés ouest douze lieues, sans avoir égard aux courants. Nous avons toujours cherché à nous maintenir par quatre brasses au moins, venant sur bâbord, toutes les fois que nous diminuions d’eau. Le fond est partout une vase molle.

Le 9, je fus sous voile à neuf heures du matin, primant le flot. Les navires espagnols, mouillés deux lieues devant nous n’appareillèrent qu’une heure après. Je les passai, et je fis ma route à la sonde, mes bateaux devant, Philippe, aussi mauvais pilote que méchant homme, se maintenant dans nos eaux. Je suis fondé à le dire mauvais pilote, puisque plusieurs fois je changeai de route pour l’éprouver et que toujours il gouverna sur nous.

À deux heures après-midi, nous eûmes connaissance d’une balise qui se trouve sur l’accore méridional du banc Ortiz, et presqu’à son extrémité occidentale. Cette balise est formée par les deux mâts d’un navire portugais qui s’y est perdu et est resté droit. Il serait essentiel, pour la navigation de Montevideo à Buenos-Ayres, qu’on entretint cette balise avec le plus grand soin. Nous eûmes aussi presque toute la journée la vue de la côte méridionale. Nous défendîmes constamment bâbord pour éviter un petit banc qui se trouve entre la terre et le banc Ortiz, nous maintenant par trois et demie, quatre et quatre brasses et demie d’eau. Dès que la balise reste à l’est-quart-sud-est et que la sonde est de cinq brasses, on a passé les