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animaux ne recouvre point un duvet tel qu’on le trouve sur ceux qu’on pêche dans l’Amérique septentrionale et dans la rivière de la Plata. Leurs huiles et leurs peaux avaient déjà formé une branche de commerce.

Nous n’avons pas pu connaître une grande quantité d’espèces de poissons. Nous nommâmes celui que nous pêchions le plus communément muge ou mulet, auquel il ressemble assez. Il s’en trouve de trois pieds de longueur, qu’on séchait. Le poisson que nos pêcheurs appelaient gradeau est aussi très commun ; il y en a de plus d’un pied de long. La sardine ne monte qu’au commencement de l’hiver. Les mulets, poursuivis par les loups marins se creusent des trous dans les terres vaseuses qui bordent les ruisseaux où ils se réfugient, et nous les prenions avec facilité, en enlevant la couche de terre bourbeuse qui couvre leurs retraites. Indépendamment de ces espèces, on en prenait à la ligne une infinité d’autres, mais fort petits, parmi lesquels il s’en trouvait un qu’on nomma brochet transparent, parce qu’il a la tête de ce poisson, et que son corps est sans écailles et absolument diaphane. On trouve aussi quelques congres sur les roches, et le marsouin blanc à tête et queue noires se montre dans les baies pendant la belle saison. Si on avait eu du temps et des hommes à employer pour la pêche au large, on aurait trouvé beaucoup d’autres poissons, et indubitablement des soles, dont on a rencontré quelques-unes échouées sur les sables. On n’a pris qu’une seule espèce de poisson d’eau douce, sans écailles, d’une couleur verte, et de la taille d’une truite ordinaire. On a fait, il est vrai, peu de recherches dans cette partie ; le temps manquait, et les autres poissons étaient en abondance.

Quant aux crustacés, on n’en a distingué que de trois espèces fort petites : l’écrevisse, rouge même avant que d’être cuite : c’est plutôt une salicoque ; le crabe à pattes bleues, qui ressemble assez au tourlourou, et une espèce de chevrette très petite. On ne ramassait que pour les curieux ces trois sortes de crustacés, ainsi que les moules et autres coquillages, qui n’ont pas le goût aussi fin que ceux de France.