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Une espèce de céleri ou persil sauvage, très abondante, une quantité d’oseille, de cresson de terre et de cétéracs à feuilles ondées, fournissaient avec cette plante tout ce qu’on pouvait désirer contre le scorbut.

Deux petits fruits, dont l’un, inconnu, ressemble assez à une mûre, l’autre, de la grosseur d’un pois et nommé lucet, à cause de sa conformité avec celui que l’on trouve dans l’Amérique septentrionale, étaient les seuls que l’automne nous fournît. Ceux des bruyères n’étaient mangeables que pour les enfants mangeant les plus mauvais fruits et pour le gibier. La plante de celui que nous nommâmes mûre est rampante ; sa feuille ressemble à celle du charme ; elle prolonge ses branches et se reproduit comme les fraisiers. Le lucet est aussi rampant ; il porte ses fruits le long de ses branches garnies de petites feuilles, parfaitement lisses, rondes et de couleur de myrthe ; ces fruits sont blancs et colorés de rouge du côté exposé au soleil ; ils ont le goût aromatique et l’odeur de fleur d’orange, ainsi que les feuilles, dont l’infusion prise avec du lait a paru très agréable. Cette plante se cache sous les herbes et se plaît dans les lieux humides ; on en trouve une quantité prodigieuse aux environs des lacs.

Parmi plusieurs autres plantes qu’aucun besoin ne nous engagea à examiner, il y avait beaucoup de fleurs, mais toutes inodores, à l’exception d’une seule, qui est blanche et de l’odeur de la tubéreuse. Nous trouvâmes aussi une véritable violette d’un jaune de jonquille. Ce que l’on peut remarquer, c’est qu’on n’a jamais rencontré aucune plante bulbeuse ou à oignon. Une autre singularité, ce fut que dans la partie méridionale de l’île habitée, au delà d’une chaîne de montagnes qui la coupe de l’est à l’ouest, on vit qu’il n’y a, pour ainsi dire, point de gommiers résineux, et qu’à leur place on rencontrait en grande quantité une plante d’une même forme et d’un vert tout différent, n’ayant pas la même solidité, ne produisant aucune résine, et couverte dans sa saison de belles fleurs jaunes. Cette plante, facile à ouvrir, est composée, comme l’autre, de jets qui partent tous d’un même pied et vont se terminer à sa surface. En