Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grêle ; du sud au nord par l’est, moins chargés de brumes, mais violents, quoiqu’ils ne le soient pas autant que ceux qui règnent en été et se fixent du sud-ouest au nord-ouest par l’ouest. Ces derniers, qui nettoient l’horizon et sèchent le terrain, ne commencent à souffler que lorsque le soleil paraît ; ils suivent dans leur accroissement l’élévation de l’astre, sont au point de leur plus grande force lorsqu’il passe au méridien, et déclinent avec lui quand il va se cacher derrière les montagnes. Indépendamment de la loi que le mouvement du soleil leur impose, ils sont encore asservis au montant des marées, qui augmente leur force et quelquefois change leur direction ; presque toutes les nuits de l’année, celles d’été surtout, sont calmes et étoilées. Les neiges que les vents de sud-ouest amènent en hiver ne sont pas considérables ; elles restent environ deux mois sur le sommet des plus hautes montagnes, et un jour ou deux tout au plus sur la surface des terrains. Les ruisseaux ne gèlent point ; les lacs et les étangs glacés n’ont jamais pu porter les hommes plus de vingt-quatre heures. Les gelées blanches du printemps et de l’automne ne brûlent point les plantes et se convertissent en une espèce de rosée au lever du soleil. En été il tonne rarement ; nous n’éprouvions en général ni grands froids ni grandes chaleurs, et les nuances entre les saisons nous ont paru presque insensibles. Sous un tel climat, il est naturel que tous les individus soient vigoureux et sains ; et c’est ce qu’on a éprouvé pendant un séjour de trois années.

Il y a partout dans les plaines plus de profondeur qu’il n’en faut à la terre pour souffrir la charrue ; le sol est tellement entrelacé de racines d’herbes jusqu’à près d’un pied, qu’il était indispensable, avant que de cultiver, d’enlever cette couche et de la diviser pour la dessécher et la brûler. On sait que ce procédé est merveilleux pour améliorer les terres, et nous l’employâmes. Au-dessous de la première couche, on trouve une terre noire qui n’a jamais moins de huit à dix pouces d’épaisseur, et qui le plus souvent en a beaucoup plus ; on rencontre ensuite la terre jaune ou terre franche à des profondeurs indéterminées. Elle est soutenue par des lits d’ardoises