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CHAPITRE IV.

Détails sur l’histoire naturelle des Îles Malouines.


Il n’y a point de pays nouvellement habité qui n’offre des objets intéressants aux yeux même les moins exercés dans l’étude de l’histoire naturelle ; et quand leurs remarques ne serviraient pas d’autorité, elles peuvent toujours satisfaire en partie la curiosité de ceux qui cherchent à approfondir les mystères de la nature.

La première fois que nous mîmes pied à terre sur ces îles, rien de séduisant ne s’offrit à nos regards ; et, à l’exception de la beauté du port dans lequel nous étions entrés, nous ne savions trop ce qui pourrait nous retenir sur cette terre ingrate en apparence. Un horizon terminé par des montagnes pelées ; des terrains entrecoupés par la mer et dont elle semble se disputer l’empire ; des campagnes inanimées faute d’habitants ; point de bois capables de rassurer ceux qui se destinaient à être les premiers colons ; un vaste silence, quelquefois interrompu par les cris des monstres marins ; partout une triste uniformité : ce spectacle décourageant paraissait annoncer que la nature se refuserait aux efforts de l’espèce humaine dans des lieux si sauvages ! Cependant le temps et l’expérience nous apprirent que le travail et la confiance n’y seraient pas sans fruits. Des baies immenses, mises à l’abri des vents par ces mêmes montagnes qui répandent de leur sein les cascades et les ruisseaux ; des prairies couvertes de gras pâturages, faits pour alimenter des troupeaux nombreux, des lacs et des étangs pour les abreuver ; point de contestations pour la propriété du lieu ; point d’animaux à craindre par leur férocité, leur venin ou leur importunité ; une quantité innombrable d’amphibies des plus utiles, d’oiseaux et de poissons du meilleur goût ; une matière combustible pour suppléer au défaut du bois ; des plantes reconnues spécifiques pour les maladies des navigateurs ; un climat salubre par sa température également éloignée du chaud et du froid, et bien plus propre à former des hommes