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rapprochés avec leurs femmes et leurs enfants, formèrent un monde de cavaliers autour des Français, et les traitèrent avec toutes les démonstrations de l’amitié. Ce fut dans ce moment intéressant que M. de Saint-Simon contracta alliance avec eux en leur présentant le pavillon du roi, qu’ils acceptèrent avec des cris de joie et des chansons. On leur fit entendre qu’au bout d’un an on viendrait les revoir. Ils offrirent à M. de Saint-Simon des chevaux, qu’il ne put accepter, la chaloupe de l’Étoile s’étant perdue dans le coup de vent des jours précédents, et on se sépara avec les témoignages de la meilleure intelligence.

Il parut attesté, par le rapport uniforme des Français, qui n’eurent que trop le temps de faire leurs observations sur ce peuple célèbre, qu’il est en général de la stature la plus haute et de la complexion la plus robuste qui soient connues parmi les hommes. Aucun n’avait au-dessous de cinq pieds cinq à six pouces, plusieurs avaient six pieds. Leurs femmes sont presque blanches et d’une figure assez agréable. Quelques-uns de nos gens, qui ont hasardé d’aller jusqu’à leur camp, y virent des vieillards qui portaient encore sur leur visage l’apparence de la vigueur et de la santé. Parmi les chefs, une partie était armée de sabres fort grands proportionnés à leur taille ; plusieurs avaient de larges couteaux en forme de poignards, d’autres des massues d’une pierre semblable au granit et pendue à une tresse de cuir qui paraît être de cheval. Les mots que nos gens leur ont entendu prononcer le plus souvent, et qu’ils ont pu retenir, sont chaoua, cris de joie, didou, ahi, ohi, chouen, ke kâlle mehouan, mots qui forment un chant mesuré ; nati, con pito : ces derniers ont paru signifier des pipes et du tabac à fumer ou à mâcher. Je rapporterai dans son lieu ce que j’ai vu sur cette même nation lorsque je l’ai rencontrée en traversant le détroit de Magellan.

Cependant, comme nous l’avons dit plus haut, le commodore Byron était venu au mois de janvier 1765 reconnaître pour la première fois les îles Malouines. Il y avait abordé à l’ouest de notre établissement, dans un port nommé déjà par nous port de la Croisade, et il avait pris possession de ces îles pour la couronne d’Angle-