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quels j’avais fait des présents l’année précédente, se montrèrent aux endroits où l’Aigle continuait de faire son bois. Nos gens les reconnurent, et on leur fit de nouveaux présents. Ils vécurent plusieurs jours dans la meilleure intelligence, allant à bord du navire, soit dans leurs canots, soit dans les nôtres, sans aucune crainte réciproque. Le mauvais temps ayant obligé quelques-uns de nos ouvriers, au nombre de sept, de rester à terre, ils y passèrent la nuit auprès du feu, dans une cabane construite à la hâte, et la passaient avec sécurité, lorsqu’ils entendirent du bruit et virent tout à coup paraître trois sauvages à l’entrée de la cabane ; ils ne purent se servir des armes à feu : l’attaque fut trop brusque ; ils se défendirent avec des haches et des sabres. De vingt-cinq sauvages ou environ qu’ils étaient, trois furent tués et le reste mis en fuite ; deux de nos gens furent dangereusement blessés. Depuis cet acte d’hostilité, ces sauvages ne reparurent plus.

Cette aventure, désagréable en elle-même, n’était pas importante pour les suites, la nation qui habite la partie boisée du détroit étant peu nombreuse, faible, et n’ayant aucune communication avec les Patagons, les seuls habitants de ces contrées dont l’union avec nous fût intéressante : par rapport aux objets d’échange que nous en pouvions tirer. Aussi M. Denys de Saint-Simon, capitaine d’infanterie, né au Canada, et ayant passé une partie de sa vie avec les sauvages de ce vaste pays, avait-il été embarqué sur l’Étoile et chargé de jeter les premiers fondements de l’alliance avec ce peuple, le voisin le plus proche des îles Malouines.

En conséquence, lorsque M. de la Giraudais, commandant de l’Étoile, eut fini son bois à la baie Famine, il s’occupa de l’exécution de ce projet avant que de quitter le détroit de Magellan. Pour cet effet il mouilla sous le cap Grégoire, aux environs duquel les Patagons étaient campés. M. de Saint-Simon se transporta à terre avec la chaloupe et le canot. Les Patagons se trouvèrent au débarquement au nombre de vingt, tous à cheval. Ils témoignèrent beaucoup de joie et chantèrent à leur mode : il fallut les accompagner à leur feu. Il en parut alors environ cent cinquante qui vinrent se réunir