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barqué sur les frégates espagnoles, lesquelles appareillèrent pour Montevideo le 27 au matin. Pour moi, je fus contraint de rester aux Malouines à attendre l’Étoile sans laquelle je ne pouvais continuer mon voyage.

On me pardonnera quelques remarques historiques sur ces îles.

Il me paraît qu’on en peut attribuer la première découverte au célèbre Améric Vespuce, qui, dans son troisième voyage pour l’Amérique, en parcourut la côte du nord, au mois d’avril 1502. Il ignorait à la vérité si elle appartenait à une île ou si elle faisait partie du continent ; mais il est facile de conclure de la route qu’il avait suivie, de la latitude à laquelle il était arrivé, de la description même qu’il donne de cette côte, que c’était celle des Mélouines. J’assurerai, avec non moins de fondement, que Beauchesne Goüin, revenant de la mer du sud en 1700, a mouillé dans la partie orientale des Malouines, croyant être aux Sébaldes.

Si on suit les détails qu’il donne sur la nature du pays où il relâcha, on se convaincra de la vérité de mes conjectures. Beauchesne vit d’abord une seule île d’une immense étendue, et ce ne fut qu’après en être sorti qu’il s’en présenta à lui deux autres petites ; il parcourut un terrain humide couvert d’étangs et de lacs d’eau douce, couvert d’oies, de sarcelles, canards et bécassines ; il n’y vit point de bois : tout cela convient à merveille aux Malouines. Les Sébaldes au contraire sont trois petites îles pierreuses, où Guillaume Dampierre, allant dans la mer du sud en 1683, chercha vainement à faire de l’eau, et où il ne put trouver un bon mouillage. Conséquemment, si ce n’est point aux Malouines que Beauchesne a touché, il faut que ce soit à quelque île inconnue, située plus à l’est, mais ce ne peut être aux Sébaldes.

Quoi qu’il en soit, les îles Malouines jusqu’à nos jours n’étaient que très imparfaitement connues.

Cependant leur position heureuse, pour servir de relâche aux vaisseaux qui vont dans la mer du sud, et d’échelle pour la découverte des terres australes, avait frappé les navigateurs de toutes les nations. Au commencement de l’année 1763, la cour de France résolut de for-