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J’avais atteint un vaisseau hollandais aperçu le matin, et j’avais diminué de voiles pour ne pas le dépasser, afin de le suivre en cas qu’il voulût entrer de nuit. À sept heures du soir, il amena perroquets, bonnettes et même ses huniers ; pour lors je pris le bord du large, et je louvoyai toute la nuit avec un grand frais de vent du sud, variable du sud-sud-est au sud-sud-ouest.

Au point du jour, les courants nous avaient entraînés de près de neuf lieues dans le ouest-nord-ouest ; le vaisseau hollandais était à plus de quatre lieues sous le vent à nous. Il fallut forcer de voiles pour regagner ce que nous avions perdu ; aussi ceux qui doivent passer la nuit sur les bords dans l’intention d’entrer au jour dans la baie du cap, feront-ils bien de mettre en travers dès la pointe orientale du cap de Bonne-Espérance, en se tenant environ à trois lieues de terre ; dans cette position, les courants les auront mis en bonne posture d’entrer de grand matin. À neuf heures du matin, nous mouillâmes dans la baie du Cap à la tête de la rade, et nous affourchâmes nord-nord-est et sud-sud-ouest. Il y avait ici quatorze grands navires de toutes nations, et il en arriva plusieurs autres pendant le séjour que nous y fîmes. M. Carteret en était sorti le jour des Rois. Nous saluâmes de quinze coups de canon la ville, qui nous en rendit un pareil nombre.

Nous eûmes tout lieu de nous louer du gouverneur et des habitants du cap de Bonne-Espérance ; ils s’empressèrent de nous procurer l’utile et l’agréable. Je ne m’arrêterai point à décrire cette place, que tout le monde connaît. Le Cap relève immédiatement de l’Europe et n’est point dans la dépendance de Batavia, ni pour l’administration militaire et civile, ni pour la nomination des emplois. Il suffit même d’en avoir exercé un au Cap pour n’en pouvoir posséder aucun à Batavia. Cependant le Conseil du Cap correspond avec celui de Batavia pour les affaires du commerce. Il est composé de huit personnes, du nombre desquelles est le gouverneur, qui en est le président. Le gouverneur n’entre point dans le Conseil de justice, auquel préside le commandant en second ; seulement il signe les arrêts de mort.

Il y a un poste militaire à False-baye et un à la baie de Saldagna. Cette dernière, qui forme un port superbe à l’abri de tous les vents, n’a pu devenir le chef-lieu parce qu’il n’y a pas d’eau. On travaille maintenant à augmenter l’établissement de False-baye ; c’est où les