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Amboine, et Uleaster qui y touche, à la culture du giroflier, sans qu’il soit permis d’avoir des clous de girofle à Banda, ni de la muscade à Amboine. Ces dépôts en fournissent au-delà de la consommation du monde entier. Les autres postes des Hollandais dans les Moluques ont pour objet d’empêcher les autres nations de s’y établir, de faire des recherches continuelles pour découvrir et brûler les arbres d’épiceries, et de fournir à la subsistance des seules îles où on les cultive. Au reste, tous les ingénieurs et marins employés dans cette partie sont obligés, en sortant d’emploi, de remettre leurs cartes et plans, et de prêter serment qu’ils n’en conservent aucun. Il n’y a pas longtemps qu’un habitant de Batavia a été fouetté, marqué et relégué sur une île presque déserte, pour avoir montré à un Anglais un plan des Moluques.

La récolte des épiceries se commence en décembre, et les vaisseaux destinés à s’en charger arrivent dans le courant de janvier à Amboine et à Banda, d’où ils repartent pour Batavia en avril et mai. Il va aussi tous les ans deux vaisseaux à Ternate, dont les voyages suivent de même la loi des moussons. De plus, il y a quelques senaux de douze ou quatorze canons destinés à croiser dans ces parages.

Chaque année, les gouverneurs d’Amboine et de Banda assemblent, vers la mi-septembre, tous les orencaies ou chefs de leurs départements. Ils leur donnent d’abord des festins et des fêtes qui durent plusieurs jours, et ensuite ils partent avec eux dans de grands bateaux nommés coracores, pour faire la tournée de leur gouvernement et brûler les plants d’épiceries inutiles. Les résidents des comptoirs particuliers sont obligés de se rendre auprès de leurs gouverneurs généraux et de les accompagner dans cette tournée, qui finit ordinairement à la fin d’octobre ou au commencement de novembre, et dont le retour est célébré par de nouvelles fêtes. Lorsque nous étions à Boëro, M. Ouman se disposait à partir pour Amboine avec les orencaies de son île.

Les Hollandais ont maintenant la guerre avec les habitants de Céram, île riche en clous. Ces insulaires ne veulent pas laisser détruire leurs plants, et ils ont chassé la Compagnie de tous les postes principaux qu’elle occupait sur leur terrain : elle n’a conservé que le petit comptoir de Savaï, situé dans la partie septentrionale de l’île, où elle tient un sergent et quinze hommes. Les Céramois ont des armes à