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ment la capitale de toutes ces provinces, le siège d’un évêque et la résidence du gouverneur général.

Buenos-Ayres est située par trente-quatre degrés trente-cinq minutes de latitude australe ; sa longitude est de soixante-et-un degrés cinq minutes à l’ouest de Paris. Cette ville, régulièrement bâtie, est beaucoup plus grande qu’il semble qu’elle ne devrait l’être, vu le nombre de ses habitants, qui ne passe pas vingt mille, blancs, nègres et métis. La forme des maisons est ce qui lui donne tant d’étendue. Si l’on excepte les couvents, les édifices publics, et cinq ou six maisons particulières, toutes les autres sont très basses et n’ont absolument que le rez-de-chaussée. Elles ont d’ailleurs de vastes cours et presque toutes des jardins. La citadelle, qui renferme le gouvernement, est située sur le bord de la rivière et forme un des côtés de la place principale ; celui qui lui est opposé est occupé par l’Hôtel-de-Ville. La cathédrale et l’évêché sont sur cette même place, où se tient chaque jour le marché public.

Il n’y a point de port à Buenos-Ayres, pas même un môle pour faciliter l’abordage des bateaux. Les vaisseaux ne peuvent s’approcher de la ville à plus de trois lieues. Ils y déchargent leurs cargaisons dans des goélettes qui entrent dans une petite rivière nommée Rio Chuelo, d’où les marchandises sont portées en charrois dans la ville, qui en est à un quart de lieue. Les vaisseaux qui doivent caréner ou prendre un chargement à Buenos-Ayres, se rendent à la Encenada de Baragan, espèce de port situé à neuf ou dix lieues dans l’est-sud-est de cette ville.

Il y a dans Buenos-Ayres un grand nombre de communautés religieuses de l’un et de l’autre sexe. L’année y est remplie de fêtes de saints qu’on célèbre par des processions et des feux d’artifice. Les cérémonies du culte tiennent lieu de spectacles. Les moines nomment les premières dames de la ville Majordomes de leurs fondateurs et de la Vierge. Cette charge leur donne le droit et le soin de parer l’église, d’habiller la statue et de porter l’habit de l’ordre. C’est, pour un étranger, un spectacle assez singulier de voir dans les églises de Saint-François ou de Saint-Dominique des