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seaux pour demander du secours et rendre compte à l’empereur Charles V des raisons qui l’avaient déterminé à ne pas suivre sa première mission. Il avait laissé son escadre au confluent du Paraguay et de l’Urugay, et il s’était établi trente lieues plus haut, à l’embouchure d’une petite rivière qu’il nomma Rio Tercero, où il bâtit un fort sous le nom du Saint-Esprit. Les secours qu’il attendait ayant tardé, il repassa en Espagne deux ans après avec son escadre, laissant cent vingt hommes pour garder son fort ; mais une grande partie de cette garnison périt, victime de l’hostilité d’un cacique voisin ; et le reste, trop faible pour se soutenir dans le pays, se réfugia sur les côtes du Brésil, dont bientôt il fut chassé par les Portugais.

Ce ne fut qu’en 1535 que la cour d’Espagne prit enfin le parti de renvoyer une expédition dans la rivière de la Plata. Dom Pedro de Mendoze, grand échanson de l’empereur, fut chargé du commandement de la flotte, et nommé gouverneur général de tous les pays qui seraient découverts jusqu’à la mer du sud. Il jeta sous de mauvais auspices les premiers fondements de Buenos-Ayres à la rive droite du fleuve, quelques lieues au-dessous de son confluent avec l’Uruguay, et son expédition ne fut qu’une suite de malheurs qui se terminèrent par sa mort. Pourtant, quelques détachements espagnols de la troupe de Mendoze qui avaient remonté le fleuve, fondèrent en 1538, à trois cents lieues de son embouchure sur la rive occidentale, la ville l’Assomption, aujourd’hui capitale du Paraguay. L’année suivante, les habitants de Buenos-Ayres, qui n’avaient cessé depuis sa fondation d’être en proie à toutes les horreurs de la famine et aux incursions des Indiens, l’abandonnèrent et se rendirent à l’Assomption. Cette dernière colonie fit des progrès assez rapides ; mais enfin la nécessité d’avoir à l’entrée du fleuve un port qui pût servir de retraite aux vaisseaux qui y apportaient des troupes et des munitions, procura le rétablissement de Buenos-Ayres. Don Pedro Ortiz de Zarate, gouverneur du Paraguay, la rebâtit en 1580, au même lieu où l’infortuné Mendoze l’avait auparavant placée ; il y fixa sa demeure : elle devint l’entrepôt des vaisseaux d’Europe, et successive-