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Alambaï. Les cartes françaises en marquent trois ensemble, et une plus grande dans le sud-est d’elles, à sept lieues de distance. Cette dernière n’existe point où elles la placent, et les îles Alambaï sont toutes les quatre réunies. Je comptais être au soleil couchant par leur latitude, et je fis gouverner à ouest-quart-sud-ouest, jusqu’à ce qu’on eût couru le chemin de la vue. Pendant le jour on s’était dispensé de sonder. À huit heures du soir la sonde donna quarante brasses d’eau, fond de sable et vase. Nous gouvernâmes alors au sud-ouest-quart-ouest et ouest-sud-ouest, jusqu’à six heures du matin ; puis, comptant avoir dépassé les îles Alambaï, à ouest-quart-sud-ouest jusqu’à midi. La sonde, pendant la nuit, donna constamment quarante brasses, fond de vase molle, jusqu’à quatre heures qu’elle n’en donna que trente-huit. À minuit, nous vîmes un bateau qui courait à l’encontre de nous ; dès qu’il nous aperçut, il tint le vent, et deux coups de canon ne le firent pas arriver. Ces gens-là craignent plus les Hollandais que les coups de canon. Un autre, que nous vîmes le matin, ne fut pas plus curieux de nous accoster. Nous observâmes, à midi, six degrés huit minutes de latitude, et cette observation nous donna encore une différence nord de huit minutes avec notre estime.

Nous étions enfin hors de tous les pas périlleux qui font redouter la navigation des Moluques à Batavia. Les Hollandais prennent les plus grandes précautions pour tenir secrètes les cartes sur lesquelles ils naviguent dans ces parages. Il est vraisemblable qu’ils en grossissent les dangers ; du moins, j’en vois peu dans les détroits de Button, de Saleyer et dans le dernier passage dont nous sortions, trois objets dont à Boëro ils nous avaient fait des monstres. Je conviens que cette navigation serait beaucoup plus difficile de l’ouest à l’est, les points d’atterrage dans l’est n’étant pas beaux et pouvant aisément se manquer, au lieu que ceux de l’ouest sont beaux et sûrs. Toutefois, dans l’une et l’autre route, l’essentiel est d’avoir tous les jours de bonnes observations de latitude. Le défaut de ce secours pourrait jeter dans des erreurs funestes. Nous n’avons pu, ces derniers jours, évaluer si l’effet des courants était dans l’est ou dans l’ouest, n’ayant point eu de points de relèvement.

Je dois avertir ici que toutes les cartes marines françaises de cette partie sont pernicieuses. Elles sont inexactes, non seulement dans