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de maisons. Le bord de la mer forme une plantation suivie de cocotiers, et l’œil d’un marin, à peine échappé aux salaisons, voit avec ravissement des troupeaux de bœufs errer dans ces plaines riantes qu’embellissent des bosquets semés de distance en distance. La population dans cette partie paraît être considérable. À midi et demi, nous étions par le travers d’une grosse bourgade, dont les habitations, construites au milieu des cocotiers, suivaient pendant une grande étendue la direction de la côte, le long de laquelle on trouve dix-huit et vingt brasses fond de sable gris, fond qui diminue à mesure qu’on approche de terre.

Cette partie méridionale de Célèbes est terminée par trois pointes longues, unies et basses, entre lesquelles il y a deux baies assez profondes. Sur les deux heures, nous avions donné chasse à un bateau malais, dans l’espérance d’y trouver quelqu’un qui nous pût procurer des connaissances pratiques de ces parages. Il s’était aussitôt mis à courir à terre, et lorsque nous le joignîmes à portée de mousquet, il était entre la terre et nous, et nous n’étions plus que sur sept brasses d’eau. Je lui fis tirer trois ou quatre coups de canon, dont il ne tint compte. Il nous prenait sans doute pour un navire de la Compagnie hollandaise et craignait l’esclavage. Presque tous les gens de cette côte sont pirates, et les Hollandais en font des esclaves quand ils les prennent. Obligé d’abandonner ce bateau, je mandai le canot de l’Étoile, que j’envoyai sonder devant moi.

Nous étions dans ce moment presque par le travers de la troisième pointe de Célèbes, nommée Tanakeka, après laquelle la côte court sur le nord-nord-ouest. Presque dans le nord-ouest de cette pointe, il y a quatre îles, dont la plus considérable, appelée Tanakeka comme la pointe du sud-ouest de Célèbes, est basse, unie, et longue d’environ trois lieues. Les trois autres, plus septentrionales que celle-ci, sont très petites. Il s’agissait alors de doubler le bas-fond dangereux de brill’ou la lunette, que je crois être nord et sud de Tanakeka, à la distance de quatre ou cinq lieues au plus. Deux passages se présentaient, l’un entre la pointe Tanakeka et les îles, et on prétend que c’est celui-là que suivent les Hollandais, l’autre entre l’île Tanakeka et la lunette. Je préférai ce dernier, dont les routes sont moins composées et que je croyais le plus large.

J’ordonnai au bateau de l’Étoile de diriger sa route de manière à