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gêner. Ils amenèrent leur voile et se halèrent à la perche tout à fait terre à terre, derrière l’îlot.

Nous continuâmes notre route dans le détroit, les vents rondissant comme le canal, et nous ayant permis de venir par degrés du sud-ouest au sud. Nous crûmes vers deux heures après-midi que la marée commençait à nous être contraire ; la mer alors baignait le pied des arbres sur la côte, ce qui prouverait que le flot y vient du nord, au moins dans cette saison. À deux heures et demie, nous passâmes devant un superbe port qui est à la côte de Célèbes. Cette terre offre un coup d’œil charmant par la variété des terrains bas, des coteaux et des montagnes. La verdure y embellit le paysage, et tout annonce une contrée riche. Bientôt après l’île de Pangasini et les îlots qui en sont au nord se détachèrent, et nous distinguâmes les divers canaux qu’ils présentent. Les hautes montagnes de Célèbes paraissaient au-dessus et dans le nord de ces terres. C’est par cette longue île de Pangasini et par celle de Button qu’est ensuite formé le détroit. À cinq heures et demie, nous étions enclavés de manière qu’on n’apercevait ni entrée ni sortie, et la sonde nous donna vingt-sept brasses d’eau et un excellent fond de vase.

La brise, qui vint alors de l’est-sud-est, nous força de tenir le plus près pour ne pas nous écarter de la côte de Button. À six heures et demie, les vents refusant de plus en plus et la marée contraire étant assez forte, nous mouillâmes une ancre à jet à peu près à mi-canal, par la même sonde que nous avions déjà eue, vingt-sept brasses vase molle, ce qui dénote un fond égal dans toute cette partie. La largeur du détroit, depuis l’entrée jusqu’à ce premier mouillage, varie de sept, huit, neuf, jusqu’à dix milles. La nuit fut très belle. Nous pensâmes qu’il y avait des habitations sur cette partie de Button, parce que nous y vîmes plusieurs feux. Pangasini nous parut beaucoup plus peuplé, à en juger par la grande quantité de feux qui brillaient de toutes parts. Cette île dans cette partie est basse, unie, couverte de beaux arbres, et je ne serais pas surpris qu’elle contînt des épiceries.

Le 13 au matin, il vint autour des navires un grand nombre de pirogues à balancier. Les Indiens nous apportèrent des poules, des œufs, des bananes, des perruches et des cacatois. Ils demandaient de l’argent de Hollande, surtout des pièces argentées qui valent