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tiaux et tous les autres rafraîchissements. Le mémoire du bon Résident était fort cher, mais on nous assura que les prix étaient réglés par la Compagnie, et qu’on ne pouvait s’écarter de son tarif. Du reste, les vivres y étaient d’une excellente qualité ; le bœuf et le mouton ne sont pas à beaucoup près aussi bons dans aucun pays chaud de ma connaissance, et les volailles y sont de la plus grande délicatesse. Le beurre de Boëro a dans ce pays une réputation que les Bretons ne trouvèrent pas légitimement acquise. Le 7 au matin, je fis embarquer les malades, et on disposa tout pour appareiller le soir avec la brise de terre. Les vivres frais et l’air sain de Boëro avaient procuré à nos scorbutiques un amendement sensible. Ce séjour à terre, quoiqu’il n’eût été que de six jours, les mettait dans le cas de se guérir à bord, ou du moins de ne pas empirer, surtout avec l’usage des rafraîchissements que nous étions désormais en état de leur donner.

Il eût sans doute été à souhaiter, pour eux et même pour les gens sains, de prolonger la relâche, mais la fin de la mousson de l’est nous pressait de partir pour Batavia. Si une fois elle changeait, il nous devenait impossible de nous y rendre, parce qu’alors, outre le vent contraire à combattre, les courants suivent encore la loi de la mousson régnante. Il est vrai qu’ils conservent près d’un mois le cours de celle qui a précédé ; mais le changement de mousson, qui arrive ordinairement en octobre, peut primer comme il peut retarder d’un mois. Septembre est peu venteux, octobre et novembre le sont encore moins. C’est la saison des calmes, et celle que choisit le gouverneur d’Amboine pour faire sa tournée dans les îles dépendantes de son gouvernement. Juin, juillet et août sont très pluvieux.

La mousson de l’est, au nord de Céram et de Boëro, souffle ordinairement du sud-sud-est au sud-sud-ouest ; dans les îles d’Amboine et de Banda, elle est de l’est au sud-est. Celle de l’ouest souffle de l’ouest-sud-ouest au nord-ouest. Le mois d’avril est le terme où finissent communément les vents d’ouest ; c’est la mousson orageuse, comme celle de l’est est la mousson pluvieuse. Le capitaine Clerk nous dit qu’il avait en vain croisé devant Amboine pour y entrer pendant tout le mois de juillet ; il y avait essuyé des pluies continuelles qui avaient mis tout son équipage sur les cadres. C’est dans ce même temps que nous étions si bien arrosés au port Praslin.

Il y avait eu cette année à Boëro trois tremblements de terre pres-