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différence nord ; nous ne pûmes savoir quelle était celle qu’ils nous donnaient en longitude.

Le 20, nous passâmes la ligne pour la seconde fois de la campagne. Les courants continuaient à nous éloigner des terres. Nous n’en vîmes point le 20 ni le 21, quoique nous eussions tenu les bordées qui nous en rapprochaient le plus. Il nous devenait cependant essentiel de rallier la côte et de la ranger d’assez près, pour ne pas commettre quelque erreur dangereuse, qui nous fît manquer le débouquement dans la mer des Indes et nous engageât dans l’un des golfes de Gilolo. Le 22 au point du jour, nous eûmes connaissance d’une côte plus élevée qu’aucune autre partie de la nouvelle Guinée que nous eussions encore vue. Nous gouvernâmes dessus, et à midi on la releva depuis le sud-sud-est cinq degrés sud jusqu’au sud-ouest, où elle ne paraissait pas terminée. Nous venions de passer la ligne pour la troisième fois. La terre courait sur l’ouest-nord-ouest, et nous l’accostâmes, déterminés à ne la plus quitter jusqu’à être parvenus à son extrémité, que les géographes nomment le cap Mabo. Dans la nuit, nous doublâmes une pointe, de l’autre côté de laquelle la terre, toujours fort élevée, ne courait plus que sur l’ouest-quart-sud-ouest et l’ouest-sud-ouest. Le 23 à midi, nous voyions une étendue de côte d’environ vingt lieues, dont la partie a plus occidentale nous restait presque au sud-ouest à treize ou quatorze lieues. Nous étions beaucoup plus près de deux îles basses et couvertes d’arbres, éloignées l’une de l’autre d’environ quatre lieues. Nous en approchâmes à une demi-lieue, et tandis que nous attendions l'Étoile, écartée de nous à une grande distance, j’envoyai le chevalier de Suzannet, avec deux de nos bateaux armés, à la plus septentrionale des deux îles. Nous pensions y voir des habitations, et nous espérions en tirer quelques rafraîchissements. Un banc qui règne le long de l’île et s’étend même assez loin dans l’est, força les bateaux de faire un grand tour pour le doubler. Le chevalier de Suzannet ne trouva ni cases, ni habitants, ni rafraîchissements. Ce qui de loin nous avait semblé former un village n’était qu’un amas de roches minées par la mer et creusées en cavernes. Les arbres qui couvraient l’île ne portaient aucun fruit propre à la nourriture des hommes. On y enterra une inscription. Les bateaux ne revinrent à bord qu’à dix heures du soir. L'Étoile venait de nous rejoindre. La vue conti-